Depuis un moment, les médias et les journalistes sont sur le feu de la rampe en Tunisie. Des faits graves s’accumulent, des personnes sont accusées voire arrêtées, des pratiques des meilleurs jours d’Abdelwahab Abdallah refont surface avec les mêmes signatures habituées; le SNJT est scandalisé par des «pressions» sur des journalistes par des hautes sphères du pouvoir.
Tout ceci dénote de l’absurdité du paysage médiatique né après la révolution et de l’absence totale d’une approche critique (ou plutôt autocritique) de nos médias. Cependant, la situation des médias ne reflète en fait, comme elle l’a toujours fait par ailleurs dans le passé avec Bourguiba ou Ben Ali, que ce qui est de la situation du pays aux différents niveaux (politique, économique ou social).
Il est impossible de nier l’importance des espaces de liberté acquis par les médias et les journalistes depuis la révolution, et l’amélioration très rapide et bien nette de la production journalistique dans son ensemble. Toutefois, en dehors de la liberté, certains maux dont souffraient les médias tunisiens demeurent entiers et se sont même aggravés avec la liberté retrouvée… Ces maux structurels se sont ajoutés aux maux du pays (et qui sont légende) pour nous produire des phénomènes inouïs dans leur absurdité…
Les journalistes
Dans leur majorité, les journalistes manquent de formation, d’encadrement, de culture générale et de culture journalistique puisque les figures exceptionnelles dans le domaine sont rares pour être promues en exemple. Cette situation, doublée de l’étroitesse du marché médiatique et du chômage qui y sévit, fragilise encore plus leur position face aux patrons de presse, accroît leur risque de manipulation par les politiques et l’argent (propre ou sale).
Des décennies (1956-2010) de pratiques louches et nauséabondes dans les entreprises de presse et dans les cercles du pouvoir ont engendré des habitudes et des comportements que personne n’a analysé ni essayé d’en comprendre et d’en briser les mécanismes.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), l’héritier récent de la défunte AJT (Association des journalistes Tunisiens), n’a pas encore eu le temps, ni les moyens intellectuels et matériels de s’en approcher… Les figures emblématiques de la presse tunisienne, celles qui, malgré la médiocratie ambiante des années durant, ont pu quand même sauver leur conscience et leurs «plumes» sont, soit en exil volontaire sous d’autres cieux plus cléments, soit elles se sont tues et se sont éloignées de la scène progressivement afin de «sauver les meubles».
Cette situation s’aggrave par des nouvelles pratiques nées après la révolution et qui ont permis à certains scribouillards, sous couverture de militantisme et de «gauchisme» attardé, de se hisser en donneurs de leçons, comme elle a permis à une multitude d’anciens pigistes de l’ATCE de se recycler comme ils peuvent qui en journaliste, qui en analyste hors pair, sans compter ceux qui ont fondé leur organe de presse (écrit, électronique ou audiovisuel, il y a de tout) pour perpétuer les pratiques anciennes et même d’en inventer des nouvelles.
Les appels qu’on entend partout à une mise à plat de notre histoire et de nos pratiques journalistiques resteront des cris dans le désert tant qu’une majorité des journalistes, les premiers accusés et les premiers intéressés, ne se sont pas mobilisés activement, avec ou sans le SNJT, afin de se charger de ce dossier et d’en publier les dessous et surtout de lui attribuer le statut d’une cause nationale…
A suivre…