Dans la première partie de cet article, nous avons évoqué la situation des journalistes ou plutôt les pratiques journalistiques d’après la révolution.
Cette deuxième partie s’intéresse aux «entrepreneurs» des médias. Car,les entreprises de presse et leurs dirigeants ne sont pas moins (si ce n’est plus dans certains cas) responsables de l’état des choses.
Les «entrepreneurs» des médias
Il est inadéquat de parler de «patrons de presse» dans le cas de notre pays. En dehors de quelques noms exceptionnels (et encore en prenant le soin de relativiser) nous ne pouvons parler que «d’entrepreneurs» de médias.
Les entreprises qui travaillent dans ce secteur se ressemblent beaucoup. En Tunisie, avoir une «autorisation» pour publier un journal était réservé, pendant toute l’époque de Bourguiba et Ben Ali, à ceux dont le pouvoir a acquis la certitude qu’ils ne sortiront pas des «lignes». En contrepartie, ces «entrepreneurs» étaient «protégés» comme il se doit.
Personne n’a entendu parler d’un journal qui a déclaré faillite en Tunisie durant plus de 50 ans d’indépendance. Une entreprise de presse ne fait que gagner de l’argent. Les entreprises de presse étaient et le sont encore une aubaine pour leur dirigeant. Généralement ils ne payaient pas du tout, ou payer partiellement, les impôts et les taxes et surtout la sécurité sociale de leurs employés. Souvent, les journalistes et les techniciens sont payés au SMIG -si ce n’est moins-, et l’usage des piges est très fréquent puisque ça coûte encore moins cher.
L’amélioration de conditions de travail, du matériel, de la formation des journalistes ce sont les derniers soucis de nos entrepreneurs. Ils préfèrent placer leurs sous (et ils en récoltaient beaucoup, de la distribution et des prébendes de l’ATCE) dans d’autres secteurs plus lucratifs. Les entrepreneurs de presse en Tunisie sont, par exemple, propriétaires d’hôtels, ou investisseurs dans l’immobilier ou encore dans l’agriculture et même patrons de café et j’en passe!
Ces entrepreneurs de presse ne peuvent pas intrinsèquement penser à la qualité de la production. Révolution ou pas, ils continuent les pratiques dont ils ont eu l’habitude! Parler avec eux de «conseil de rédaction», de «ligne éditoriale» ou encore de «clause de conscience» est vain!
Les pratiques journalistiques de plus de 50 ans dans le pays ont produit un lecteur type accro pavlovien à ce qu’on lui présente. Ce n’est pas un hasard que les deux journaux les plus vendus après la révolution soient «Echourouq» et «Essarih». Comme si de rien n’était! D’ailleurs, les deux «organes» se sont illustrés magnifiquement par leur traitement «exemplaire» de la visite de BCE en France. Rebelote! On efface la parenthèse du 14 janvier et on recommence comme au bon vieux temps!
Ils ne sont pas l’unique et le seul exemple. A quelques rares exceptions près, on ne peut aujourd’hui pas citer un organe de presse, tous supports confondus, en exemple de qualité! La qualité n’est tout simplement pas une catégorie accessible aux «entrepreneurs» de presse!
A suivre …
*Journaliste, expert en communication
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