Que peut faire l’UE pour aider la Tunisie?

Par : Autres

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Au lendemain des attaques terroristes menées le 18 mars au Musée du Bardo à Tunis qui ont provoqué la mort de vingt-deux personnes, les analystes ont été unanimes à pointer la fragilité du processus de transition tunisienne et, en particulier, sa vulnérabilité au terrorisme djihadiste et aux difficultés économiques.
 
Les appels se sont également multipliés, en particulier en Europe, pour mobiliser des ressources supplémentaires pour soutenir le seul processus de transition émergeant du Printemps arabe qui semble aller dans la bonne direction. “C’est une attaque à l’Europe et l’Europe doit répondre”, a déclaré le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini.

Dans le même sens, une déclaration du Conseil européen publié deux jours après l’attentat s’engageait à ce que “l’Union européenne et ses États membres intensifient leur coopération avec la Tunisie pour contrer cette menace terroriste commune, afin de renforcer la démocratie pleine de promesses du pays et de contribuer à son développement socioéconomique“.

Ce sentiment d’urgence semble s’essouffler un mois plus tard. Mais, il reste un large consensus selon lequel une amélioration rapide des conditions économiques, en particulier une réduction du chômage, est cruciale pour la stabilisation du pays et pour saper la base sociale sur laquelle le djihadisme pourrait prospérer. Cependant, il n’y a rien de nouveau: depuis 2011 les analystes insistent sur le besoin d’un soutien accru pour consolider la transition tunisienne.

Aide de l’UE depuis la révolution tunisienne

L’UE a en effet fait de son mieux pour mobiliser des ressources et marquer son engagement avec la Tunisie dans les quatre dernières années. En fait, afin de soutenir la Tunisie, elle a forcé les limites de sa Politique européenne de voisinage et ses instruments de coopération financière…

La Tunisie a bénéficié à ce titre de 20 M€ en 2011, 80 M€ en 2012 et 55 M€ en 2013, près de la moitié du total. En septembre 2011, l’UE a également convenu d’établir avec la Tunisie un “Partenariat privilégié” aux contours imprécis.

Tout cela a mené le niveau des engagements de l’UE avec la Tunisie dans la période 2007-2013 à un total de 775 M€, avec un doublement de l’aide pour la période 2011-2013 par rapport à la période antérieure à 2011. Puis, en 2014, dans le cadre du nouveau Plan d’action 2013-2017 approuvé en avril 2013, l’UE s’est engagé, à hauteur de 169 M€, dans une aide bilatérale en Tunisie (un record seulement dépassé par les 180 M€ de 2011). L’UE a également accordé à la Tunisie une assistance macrofinancière de 300 M€ (à verser en 2015)… 
 
Cependant, la marge pour augmenter ces fonds dans le cadre du budget de coopération extérieure de l’UE demeure très limitée. La PEV est une des nombreuses politiques extérieures de l’UE, toutes à la recherche de ressources additionnelles (il suffit de penser, par exemple, juste dans le voisinage, à la crise ukrainienne ou l’aide humanitaire aux réfugiés syriens). Et la politique extérieure ne pèse en tout cas qu’environ 10% du budget total de l’Union européen approuvé jusqu’à 2020… Il est donc difficile de voir comment un soutien accru à la Tunisie pourrait prendre la forme d’une augmentation du niveau de l’assistance financière…

Soutien au-delà de l’aide

Ces difficultés à fournir une aide financière supplémentaire ne signifient pas, cependant, que l’UE ne dispose pas d’outils puissants pour aider la Tunisie. Dans ses origines, la Politique européenne de voisinage était présentée aux pays voisins comme un cadre offrant la perspective de «tout sauf les institutions», c’est-à-dire un échelon dans le marché unique de l’UE avec des perspectives de pleine intégration dans l’espace économique européen et même dans les politiques communes de l’UE mais sans participer aux institutions de l’UE.

L’attaque sur la Tunisie était une attaque de l’Europe

Deuxièmement, l’extension conditionnelle de la Politique régionale européenne aux pays voisins. Alors que certaines modalités d’extension au moins des méthodes de la politique régionale de l’UE vers les pays voisins (en particulier le Maroc et la Tunisie) ont été discutées entre 2008 et 2010, la question a pratiquement disparu du débat depuis.

Cependant, la relance de cette idée s’avérerait une excellente façon d’impulser la dynamique de développement en Tunisie. Il ne serait pas nécessaire de mobiliser effectivement des fonds structurels à court terme (ce serait juridiquement et financièrement impossible dans le cadre de l’actuel cadre financier couvrant en 2014 à 2020)…

Cette approche contribuerait également à renforcer le rôle économique et donc politique des autorités locales et régionales dans le contexte transitionnel tunisien et aiderait ainsi à surpasser les inégalités territoriales responsables de la détresse économique actuelle du pays. Elle pourrait également être un catalyseur pour le pacte national sur la politique économique requis pour établir les bases consensuelles de la transition économique (à l’instar de celui sur la transition politique qui a ouvert la voie à la nouvelle Constitution à la fin de 2013, signé par le gouvernement, le syndicat UGTT, l’organisation d’employeurs UTICA et la Ligue tunisienne des droits de l’homme).  

Source : econostrum.info

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*professeur au Migration Policy Centre de l’Institut universitaire européen à Florence