intervenir pour faire cesser la guerre des prix (Photo : Jean-Philippe Ksiazek) |
[27/04/2015 17:23:35] Paris (AFP) Les industriels de l’agroalimentaire haussent le ton à l’égard des enseignes de grande distribution, demandant au gouvernement d’intervenir pour faire cesser la guerre des prix dont ils disent subir les effets destructeurs, alors que Bercy vient de lancer deux assignations contre Intermarché.
Lundi, deux mois après la fin des négociations entre fournisseurs et distributeurs, l’Association des industries agroalimentaires (Ania) et l’Institut de liaisons et d’études des industries de consommation (Ilec) ont réclamé l’intervention des pouvoirs publics pour réguler les pressions tarifaires qui leur sont imposées, selon eux, par la grande distribution, et qui les mettent “en danger”.
“La déflation est une réalité pour nos marques depuis deux ans déjà, elle s’aggrave mois après mois et elle menace de s’accélérer encore sous l’effet des alliances conclues entre six des sept acteurs majeurs de la distribution et des baisses de tarifs concédées par nos entreprises lors des négociations annuelles closes le 28 février”, explique l’Ilec dans une lettre ouverte au ministre de l’Economie Emmanuel Macron.
Selon l’Ilec, alors que la guerre des prix fait rage entre distributeurs depuis 2012, les réductions de prix qu’on leur demande ont cette année “atteint une ampleur inédite dans un contexte où, pour un grand nombre de nos entreprises, 2015 constituait la quatrième année consécutive de baisse des tarifs”.
“Les pouvoirs publics nous ont beaucoup écoutés. Nous leur demandons aujourd’hui de passer d’urgence à l’action”, réclame de son côté l’Ania dans une lettre signée par 30 organisations représentatives à destination du premier ministre Manuel Valls.
Ces accusations sont violemment contestées par les distributeurs.
Ainsi, pour Michel-Edouard Leclerc, patron de l’enseigne éponyme, “la grande industrie agroalimentaire n’a pas de raison de crier au loup. Cela fait 14 ans qu’elle propose des hausses de prix ininterrompues aux consommateurs français”.
“C’est vrai que le marché se retourne, c’est vrai qu’on est dans la crise, c’est aussi le cas pour eux. Mais qu’ils ne viennent pas chercher auprès des distributeurs et des pouvoirs publics un moyen d’obtenir des augmentations de prix, ça ne passera pas par nous”, a-t-il martelé lundi à l’antenne de RTL.
La FCD (qui représente notamment Carrefour, Casino et Auchan) a rappelé pour sa part que la baisse des prix “s’est également traduite par un milliard de plus d’économies en faveur des consommateurs, soit 50 euros par ménage, ce qui n’est pas négligeable”.
– Faire ‘appliquer strictement la loi’ –
Son président, Jacques Creyssel, a assuré lundi que, malgré les baisses de prix, “les marges nettes des industriels sont aujourd’hui encore 11 fois supérieures à celles de la grande distribution. Il faut sortir de ce combat permanent des industriels vis-à-vis de leurs clients distributeurs qui est totalement absurde et ne profite à personne”.
De son côté, l’Ania attend des pouvoirs publics qu’ils fassent “appliquer strictement la loi”, en “sanctionn(ant) les abus de manière dissuasive”, et en “renfor(çant) l?arsenal législatif afin de mieux prendre en compte l’évolution du contexte commercial”.
Le gouvernement a confirmé lundi avoir lancé des poursuites contre Intermarché, accusé d’avoir exercé des pressions illégales sur ses fournisseurs.
“Il y a beaucoup de tensions sur ce secteur, on le sait, les producteurs sont sous tension, il y a certaines filières qui aujourd’hui souffrent beaucoup (…). Il faut être très vigilant, nous le sommes. (…) Le message qui est envoyé, c’est qu’il n’y aura aucune bienveillance à l?égard de celles et ceux qui veulent contourner la loi”, a indiqué le ministre Emmanuel Macron, lors d’un déplacement à Strasbourg.
Des passes d’armes entre industriels et distributeurs avaient déjà eu lieu au printemps 2014. Elles avaient donné lieu à plusieurs réunions durant l’été, dans lesquelles tous les acteurs s’étaient engagés à de meilleures pratiques.
A l’automne, plusieurs distributeurs se sont alliés pour négocier en commun leurs achats auprès des fournisseurs, ravivant les inquiétudes de la filière agroalimentaire.
Les négociations tarifaires 2015 conclues fin février avaient abouti à un nouveau regain de tension, les industriels dénonçant l’intensification des pressions pour faire baisser les tarifs, alors que la grande distribution justifiait ces derniers par le recul des cours des matières premières alimentaires.