à La Chapelle-Basse-Mer le 22 avril 2015 (Photo : GEORGES GOBET) |
[28/04/2015 08:03:41] La Chapelle-Basse-Mer (France) (AFP) La récolte du muguet avance d’arrache-pied dans son traditionnel bassin nantais et les clochettes seront sans faute au rendez-vous du 1er mai grâce au soleil d’avril… et aux travailleurs saisonniers, roms ou migrants, employés comme chaque année sous les serres.
En Loire-Atlantique, département qui produit environ 80% des 60 millions de brins de muguet vendus en France, les producteurs sont sereins, à l?image de Louis Douineau, à La Chapelle-Basse-Mer.
“On a eu un peu peur à un moment parce qu?on était un peu tardif en maturité, mais on a eu une semaine exceptionnelle en température. La quantité est abondante, mais la qualité est un peu moindre que l?an passé, où elle était exceptionnelle”, explique-t-il à l’AFP.
Dans son exploitation, près de 300 saisonniers cueillent les précieux brins, protégés des aléas climatiques par de longs tunnels de plastique blanc. Un travail répétitif, en position courbée, pour ramasser un à un les trois millions de brins que produit l?exploitation.
Dans une ambiance de ruche, deux groupes d?une soixantaine de personnes chacun se relaient entre 06H00 et 22H00 sur les chaînes de conditionnement, selon une mécanique bien huilée: “Il y en a un qui met les vases, une qui met les feuilles, une autre qui met les roses, deux qui mettent les brins de muguet, et trois qui mettent les bouquets dans les vases”, résume Maryvonne, responsable de l?une des chaînes.
Le tout est stocké dans des cartons prêts à rejoindre les camions de livraison qui se relaient sur le parking de l?entreprise pour livrer fleuristes et grandes surfaces dans les temps.
Pour la trentaine de producteurs de la région nantaise, la période est cruciale. Pour Louis Douineau, qui produit également de la mâche et des poireaux, le muguet représente “15 à 20% de l?activité de l?entreprise” et nécessite de recruter massivement des travailleurs saisonniers, principalement des Roms qui sont pour la plupart installés durablement dans la région.
– “Il faut vraiment avoir faim” –
à La Chapelle-Basse-Mer (Photo : GEORGES GOBET) |
“On a environ 200 cueilleurs roms, essentiellement roumains. On a commencé avec eux une année où les congés scolaires ne permettaient pas aux jeunes de venir, ça s?est bien passé, donc on a continué. Ça a choqué un peu les voisins, on a été un peu critiqués”, se souvient Louis Douineau.
“Les Roms, on s?est habitués à eux, ils se sont habitués à nous: chaque année, on reprend les mêmes. Ils connaissent le travail, la cueillette est bien faite, et surtout, ils n?ont pas peur des conditions de travail. C?est trop dur par rapport à ce que ça rapporte (le Smic horaire, ndlr), personne n?accepterait ces conditions-là, il faut vraiment avoir très faim”, observe le producteur.
Compliquée au départ, l?embauche des populations originaires de Roumanie et de Bulgarie s?est simplifiée depuis l?entrée en vigueur en 2014 d’une directive européenne qui facilite leur entrée sur le marché du travail français.
Elle reste en revanche difficile pour les demandeurs d?asile, explique Catherine Libault, présidente de l?Association migrants formation. Cependant “en Loire-Atlantique ils bénéficient de trois dérogations par an: pour les vendanges, le ramassage des pommes et le muguet”.
ôle les branches de muguet dans une exploitation horticole, le 22 avril 2016 à la Chapelle-Basse-Mer (Photo : GEORGES GOBET) |
Cette année, son association a permis à 170 migrants de récolter le muguet. “Une petite semaine sur une année, c?est dérisoire, mais pour eux, c?est essentiel. Ils retrouvent leur dignité: quand ils se lèvent le matin, ils savent pourquoi. Le salaire qu?ils vont avoir, ils l?ont gagné. Ce n?est pas de l’assistanat”, rappelle-t-elle.
Un réfugié originaire d?Azerbaïdjan confirme: “On ne travaille pas souvent parce qu?on n?a pas trop de possibilité de travailler. Beaucoup d?entre nous font appel au 115 pour trouver où dormir, ou dorment dans la rue. Ici, on a la liberté. Ça change, physiquement et psychologiquement”.