ômage et la précarité sur les colonnes du Palais Brongniart, ancien siège de la Bourse à Paris, le 2 mais 2007 (Photo : JACQUES DEMARTHON) |
[28/04/2015 15:03:54] Paris (AFP) Alors que le chômage est au plus haut, la Bourse bat allègrement des records, une contradiction apparente qui s’explique par le fait que ces deux courbes évoluent en fonction de facteurs différents et sont loin d’être toujours liées.
Q: Pourquoi la Bourse va-t-elle si bien ?
R: La Bourse de Paris a battu lundi son record annuel en séance et en clôture, évoluant à son plus haut niveau depuis janvier 2008 (+1,30%). Depuis le début de l’année, le marché parisien va de sommet en sommet, atteignant des niveaux jamais vus depuis 7 ans et au-dessus des 5.200 points.
Cette performance a eu pour origine principalement l’annonce à la mi-journée par Athènes du remaniement de ses équipes de négociations avec ses créanciers, après deux mois sans accord autour du déblocage d’une tranche d’aide de 7,2 milliards d’euros.
“Toute bonne nouvelle sur le front de la Grèce est bien accueillie par les marchés financiers”, souligne à l’AFP Ludovic Subran, économiste chez Euler Hermes.
“A l’inverse, les chiffres du chômage ont un impact marginal, et même nul, parce que les données macro-économiques françaises ne sont pas regardées par les investisseurs”, estime Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.
Plus généralement, ce sont donc la situation de la Grèce, la baisse du cours du pétrole et surtout la politique monétaire européenne accommodante qui nourrissent depuis plusieurs mois le dynamisme d’une place comme Paris où les titres vedettes sont des multinationales.
Q: Pourquoi cette embellie ne se transmet pas à l’économie ?
R: Actuellement, “il y a une complète déconnexion” entre les marchés et l’économie réelle, juge M. Dembik.
Pour relancer la croissance, la Banque centrale européenne (BCE) a injecté sur les marchés beaucoup de liquidités, c’est-à-dire des actifs financiers faciles à échanger, à travers un programme appelé “Quantitative Easing”, mais cet argent n’est pas réinvesti dans l’économie réelle, selon M. Dembik.
“Les investisseurs sont relativement tendus et n’ont pas encore confiance dans la reprise”, confirme à l’AFP-TV, Eric Heyer, économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
ènes (Photo : Louisa Gouliamaki) |
De ce fait, les investisseurs prêtent aux entreprises en bonne santé ou aux Etats, et pas aux petites et moyennes entreprises (PME), “qui font vraiment la croissance, notamment à court terme”.
La “courroie de transmission” entre les marchés et l’économie réelle fonctionne d’autant plus mal que l’économie française se finance relativement peu sur les marchés boursiers, et qu’il y a un décalage temporel entre les deux, selon M. Subran, pour qui malgré tout la bonne santé des marchés est un “indicateur avancé” de reprise.
“De manière générale, il n’y a qu’un lien assez imprécis entre la bourse et l’économie réelle”, confirme Dany Lang, maître de conférence à l’université Paris XIII, en soulignant que les entreprises du CAC 40 font l’essentiel de leurs activités à l’étranger, et que les cours dépendent des anticipations des acteurs, lesquelles peuvent être erronées.
Q: Quand le chômage pourrait-il baisser ?
R: Le record atteint en mars – 3,51 millions de demandeurs d’emploi sans activité en métropole – sera-t-il le, ou du moins l’un des derniers ? C’est ce que le gouvernement espère.
Manuel Valls concède que le chômage ne baissera pas tant que la croissance ne grimpera pas “autour de 1,5%”. Mais si le gouvernement prévoit 1% pour cette année, le Premier ministre, lui, vise le fameux seuil de 1,5%. Un objectif envisageable au vu des dernières prévisions de l’Insee, qui tablait début avril sur un acquis de croissance de 0,8% au premier semestre.
Pourquoi 1,5%? “C’est le seuil nécessaire à la création de 150.000 emplois, car 150.000 personnes devraient arriver dans la population active cette année”, explique Mathieu Plane, économiste à l’OFCE. Un délai de latence de “deux à trois trimestres” est toutefois nécessaire, selon lui, afin que la croissance se répercute en créations d’emplois.
D’ici là, le chômage devrait grimper à 10,2% à la mi-2015, un niveau inégalé depuis 1997, selon l’Insee.
Q: Sur quoi le gouvernement mise-t-il?
R: Pour parvenir à inverser la tendance, alors que les recettes traditionnelles (emplois d’avenir, contrats aidés…) n’ont pas suffi, l’exécutif mise désormais surtout sur le Pacte de responsabilité, qui octroie 40 milliards d’euros d’ici à 2017 aux entreprises sous forme d’exonérations pour les inciter à embaucher.
Mais, pour l’heure, “le compte n’y est pas”, de l’aveu même de Manuel Valls, qui déplore “l’effort insuffisant” du patronat pour négocier des contreparties. Seule une dizaine des 50 plus grandes branches professionnelles ont pris des engagements en termes d’emploi.
Outre le Pacte, la loi “activité” d’Emmanuel Macron et la loi “dialogue social” du ministre du Travail François Rebsamen, adoptées prochainement, sont censées “déverrouiller l’économie” et lever des freins à l’embauche.