Les communes ont d’autres chats à fouetter et des problèmes beaucoup plus importants à traiter que ceux de l’embellissement des villes et des zones urbaines. C’est malheureux mais c’est ainsi, reconnaît Néjib Darouiche, ministre de l’Environnement et du Développement durable.
«C’est pour cela que nous comptons faire appel à des privés. Pour qu’ils nous aident à travailler sur ce volet. Nous avons sollicité l’UTICA pour identifier les sociétés résidentes dans chaque zone et lancer des actions visant à améliorer la qualité de l’environnement en partenariat avec l’arrondissement municipal concerné. Nous voulons également former, avec l’aide des municipalités, des syndicats de quartier. Nous pensons faire du Centre urbain nord un exemple type de ce qu’est la Tunisie en matière d’embellissement. Le projet a été lancé et beaucoup de sociétés enthousiasmées se déclarent prêtes à le financer».
Le Centre urbain Nord sera la vitrine de ce que le ministère de l’Environnement peut faire en partenariat avec les communes dans d’autres sites du pays. Ceci, en attendant les élections municipales qui devraient se tenir dans les prochains mois. Ceci étant, pour que ces actions soient plus efficientes, il va falloir revoir le découpage des communes et redessiner les limites entre les différents arrondissements municipaux. Car, par exemple, il n’est pas logique que les zones des Lac I et II dépendent de 3 municipalités, en l’occurrence celles de La Goulette, de la Cité El Khadhra et de Tunis. Aberrant!
«La réforme municipale doit être faite, estime M. Darouiche, nous y travaillons. Le ministère de l’Intérieur en est le premier concerné. La réforme prévoit, entre autres, des cahiers des charges imposant des espaces verts dans les zones d’aménagement urbain».
Absence de vision “développement durable“…
Il y a un deuxième volet sur lequel planche le ministre Néjib Darouiche, c’est le développement durable. «A ce jour, nous n’avons pas de vision quant au développement durable soit une de nos principales attributions».
Rien de plus vrai car la mission de sauvegarde des ressources naturelles dans une optique de conservation et de préservation pour les générations futures n’est pas une mince tâche. Le Lac de Bizerte, l’Oued Medjerda ou encore l’Oued Méliane ne sont pas bien entretenus. «Il y a pire, il est inadmissible que l’on ne prenne pas en considération l’environnement immédiat des grands centres industriels polluants, comme Gabès ou le bassin minier. Ce sont des zones où on a privilégié l’activité économique en négligeant l’aspect environnemental. Ils ont eu carte blanche pour agir ainsi sans penser à l’avenir».
Le Lac de Bizerte, un exemple à dupliquer
Aujourd’hui, c’est la Tunisie qui paie une facture économique et sociale. Les populations souffrent de la pollution et se révoltent parce qu’elles n’arrivent plus à supporter une situation nuisible et malsaine. Elles se révoltent contre ces grandes entreprises parce que leur mode de vie en a été bouleversé. «C’est la CPG qui pose le plus de problèmes, on n’avait pas pris en compte les effets néfastes de ses activités sur son environnement immédiat. L’orientation “développement durable“ n’était tout simplement pas à l’ordre du jour. Nous essayons de rectifier le tir dans d’autres régions où les dégâts sont plus facilement récupérables. Nous voulons faire du Lac de Bizerte une belle réussite. Nous avons récemment soumis à la commission des finances à l’ARP un projet de loi sur un prêt de 90 millions (environ 200 millions de dinars), pour son assainissement. Le Lac de Bizerte est le poumon et le centre névralgique du gouvernorat de Bizerte et des délégations de Menzel Bourguiba, Tinja, Menzel Abderrahmane, Menzel Jemil».
Le Lac de Bizerte subit la pollution industrielle depuis des décennies, aujourd’hui que les niveaux de pollution sont devenus alarmants, il a fallu prendre des mesures draconiennes pour y remédier. Les entreprises seraient impliquées et investiront dans les systèmes de traitement des déchets qu’elles rejettent. Certaines ont essayé de s’y engager, mais n’ont pas usé des centres publics de tri. Elles en payent le prix en pénalités.
«Nous comptons sur le succès du projet d’assainissement du Lac de Bizerte, assure M. Darouiche. Nous avons décidé d’identifier les sources de pollution et leur nature -ménagères ou industrielles. Nous allons financer les solutions techniques et doter les entreprises des équipements adéquats pour qu’elles procèdent par elles-mêmes au traitement des déchets».
Assainir en mode PPP…
Ce n’est toutefois pas l’Etat qui assurera le paiement des équipements, il ramènera les crédits, et engagera ensuite les bénéficiaires à le rembourser. L’Etat sera la locomotive dans l’implantation des stations de traitement, ensuite les entreprises concernées prendront le relais.
L’Etat investira également dans l’assainissement du bassin versant de l’Oued Medjerda et s’attaquera aux causes des pollutions en appliquant la même approche. Pareil pour l’Oued Meliane, Gabès et le bassin minier. «Nous ne voulons pas discuter de tous les détails en rapport avec le fléau pollution et discourir dessus. Nous sommes décidés à agir. Investir 200 MDT à Bizerte, c’est beaucoup d’argent et cela nous permet de créer de l’emploi. Ce ne sera pas notre seul projet, nous développerons ce genre d’opérations dans d’autres régions surtout par le biais du PPP. Il faut associer les groupes privés à l’exploitation et au traitement des débris et aux techniques d’assainissement. D’ores et déjà, nombre de sociétés internationales sont prêtes à financer ces installations en lieu et place de l’Etat dans le cadre du PPP. C’est ce que font des pays comme la Chine, la Hollande et les Etats-Unis».
Pour veiller à la propreté et la protection des forêts, des parcs naturels et des zones protégés, le ministère de l’Environnement et du Développement durable a relancé avec le ministère de l’Agriculture la remise en action des garde-forestiers.
Inertie administrative…
Mais pour que les actions du ministère soient plus percutantes, c’est une réforme en profondeur que l’on doit initier. «Nous souffrons d’une inertie administrative qui souffre de la lourdeur de ses procédures. Nous ne pouvons recruter aucune personne sans remonter au Premier ministère, nous ne pouvons pas nous engager dans de grandes opérations de développement car en manque de moyens financiers et de ressources humaines. Vous savez, nous possédons des équipements qui peuvent nous permettre de minimiser les nuisances de la pollution dans notre pays mais que nous n’exploitons pas surtout dans le drainage des eaux usées. Pour ce qui est de la réactivité des personnels, nous avons sensibilisé les responsables à la nécessité de mieux s’investir dans leurs missions respectives, et ce au niveau de toutes les régions. Ils ont reçu le message et en tireront les conséquences qui s’imposent».
Des hommes qu’il faut à la place qu’il faut…
Il n’empêche, Néjib Darouiche tient à ce que son ministère fonctionne mieux et efficacement. Pour cela, il y aurait peut-être des changements à la tête de certaines directions et des repositionnements touchant d’autres. «Personne n’est à l’abri d’un changement de poste, y compris moi-même. En attendant, j’attends de mes collaborateurs de l’efficience et des résultats concrets. La Tunisie a besoin aujourd’hui des meilleurs»..