Les services de contrôle des ministères du Commerce et de l’Intérieur font, ces temps-ci, un excellent travail. Les saisies spectaculaires et significatives, à travers tout le pays, d’énormes quantités de produits et de marchandises impropres à la consommation illustrent, de manière éloquente, le dynamisme, l’efficacité et la détermination que connaissent ces deux départements dans leur lutte contre tous les abus commerciaux.
Deux importantes saisies méritent d’être particulièrement signalées en raison de leurs effets collatéraux sur l’image extérieure du pays.
Il s’agit de la saisie de 200 tonnes de concentré de tomate avarié (350.000 boîtes de tomates en conserve), dans une usine de transformation de tomate dans la zone de Dar Allouche (gouvernorat de Nabeul) et de celle de plus de deux tonnes de viande d’âne, dans un abattoir anarchique, dans la région de Manouba (ouest de Tunis).
Nous avons retenu ces deux saisies parmi une trentaine d’autres qui ont eu lieu presque dans toutes les régions du pays pour une raison très simple: la gravité des premières déclarations des contrevenants après les saisies.
Les contrevenants, des exportateurs peu scrupuleux
Ces derniers ont indiqué aux brigades de contrôle que ces produits impropres à la consommation n’étaient pas destinés au marché local mais à l’exportation, principalement vers la Libye où la guerre civile fait ravage et où le désordre est total.
De telles déclarations sont d’une extrême gravité. Elles nous rappellent les pratiques immorales de nos exportateurs durant les années 90.
Des exportateurs peu scrupuleux avaient exploité la guerre civile en Algérie et l’embargo international décrété contre la Libye à cause de l’implication de Libyens dans l’affaire Lockerbie (destruction d’un avion civil en plein vol), pour inonder ces précieux marchés de proximité, soit de produits non conformes aux normes, soit de produits non suivis de services après-vente. Ou pire, de produits frelatés et avariés.
Ainsi, des réfrigérateurs ont été exportés sur la Libye sans être accompagnés du moindre service après-vente ou encore ces jeans d’origine sud-est asiatique écoulés en Algérie avec une labellisation tunisienne.
Mais une fois ces deux pays voisins stabilisés, du moins pour un certain temps, leurs gouvernements nous ont fait payer très cher ces «bad practices». Ils ont boudé nos produits et se sont tournés vers d’autres marchés. La Libye post-révolution a tourné carrément le dos à la Tunisie et lui a préféré des pays comme la Turquie.
Moralité: nous avons perdu ces deux marchés à notre portée à cause de ces exportateurs véreux, cupides et assoiffés de gains faciles.
Le coût du non-Maghreb pour la Tunisie
Est-il besoin de rappeler ici que le «non-Maghreb», qui est, entre autres, le résultat naturel de ces agissements pour le moins irresponsables, coûte, aujourd’hui, à la Tunisie (pays maghrébin qui a le plus besoin de ce marché) près de 2% de croissance, soit l’équivalent d’un manque à gagner de 20.000 emplois par an?
Est-ce nécessaire de rappeler, également, que la non disponibilité d’un tel marché a condamné la Tunisie à un face-à-face commercial terrible et fort onéreux avec les pays de l’Union européenne et l’a empêché de bénéficier des gains et avantages générés par la coopération horizontale?
Aujourd’hui, le même scénario se répète sans qu’aucun enseignement ne soit tiré du passé. Au lieu de travailler sur ces marchés, de les submerger de produits d’excellente qualité et de les fidéliser, nos exportateurs, des affairistes de basse facture, s’emploient à les inonder par des moyens illicites, voire de produits impropres à la consommation et dangereux pour la santé.
La responsabilité du gouvernement est totale
Cela pour dire que le gouvernement est totalement responsable de tels dérapages. Il se doit de moraliser les industriels du pays, de les faire comprendre les enjeux à l’exportation et de renforcer, à tous les stades, le contrôle de la production de notre industrie manufacturière et agroalimentaire.
Il s’agit aussi de veiller au respect des normes et des règles de qualité et de frapper fort, quand il le faut, les contrevenants. Des lois dissuasives gagneraient à être promulguées à cette fin.
Un industriel ne peut exporter que s’il fait ses preuves, d’abord sur le marché local, ensuite sur le marché international. C’est tout simplement inadmissible de concevoir en cette période de globalisation des produits de qualité pour le marché local et d’autres de mauvaise qualité pour les marchés voisins. C’est tout simplement immoral et par conséquent condamnable.
Le ministère des Finances, à travers la douane, a un rôle déterminant à jouer à cet effet, et ce en accélérant, notamment, l’équipement de tous les postes frontaliers de scanners.
A son tour, le ministère de l’Industrie a tout intérêt à se démener pour intensifier le contrôle, en amont et en val, c’est-à-dire dans les usines comme il le fait avec l’off-shore.
Il y a va, hélas, de la survie de notre économie et de la reconquête des marchés de proximité qui constituent l’espace vital pour l’expansion du marché tunisien.