La mauvaise gestion et les dépassements au sein des entreprises publiques chargées des hydrocarbures (ETAP, STIR, STEG) sont à l’origine de l’augmentation des dépenses de subvention. C’est en tout cas ce que révèle un rapport du Contrôle général des finances (CGF), cité par l’agence TAP.
Le rapport, élaboré à l’issue d’un audit au sein des trois sociétés précitées, en collaboration avec le Contrôle général des services publics (CGSP) et le Contrôle général des domaines de l’Etat et des affaires foncières (CGDEAF), fait ressortir que “les dépenses de subvention ont atteint près de 4,9 milliards de dinars en 2012, dont 70% sous forme de subvention indirecte (non inclue dans le budget de l’Etat) au profit de sociétés affichant des pertes.
Le groupe d’auditeurs a constaté, à travers une étude des chiffres présentés par les trois sociétés publiques d’hydrocarbures, la Direction générale de l’énergie et le ministère des Finances, que “le système actuel de subvention des hydrocarbures est financé à travers un croisement d’apports financiers de plusieurs intervenants”.
Au niveau de l’ETAP
Parmi les principales lacunes détectées par les auditeurs au niveau de l’ETAP, les différences entre “les quantités de pétrole brut produites chaque année par chaque champ pétrolier et les quantités de production citées par les rapports annuels relatifs à la répartition de la production entre l’Etat et son partenaire stratégique. Ces différences sont estimées, selon le rapport, à une moyenne de 110.000 barils en 2011 et à 1,103 million de barils en 2010.
Des carences ont également été relevées au niveau des opérations de vente des hydrocarbures au profit de l’Etat. “La société n’est pas dotée d’une unité ou un service spécial chargé, d’une manière exclusive, des missions de suivi et de coordination des actions des directions chargées de vendre le pétrole brut et le gaz au profit de l’Etat”, indique le rapport.
La société ne dispose pas d’un guide de procédures référentielles relatives à la vente des hydrocarbures au profit de l’Etat et n’est pas, non plus, dotée, d’un guide pour la répartition des quantités de pétrole et de gaz entre l’Etat, l’ETAP et le partenaire et pour la gestion financière de ces opérations.
En effet, la vente de pétrole est effectuée conformément aux directives d’une simple lettre du ministre de l’Economie Nationale qui date de 1974.
Le rapport évoque aussi “l’absence d’un contrat entre l’ETAP et la STIR concernant la vente et l’achat de pétrole brut local et importé”.
S’agissant de la production, le rapport souligne que les accords relatifs à l’exploration et la prospection ne mentionnent pas l’obligation pour le partenaire de l’ETAP de présenter à cette dernière les documents expliquant les dépenses de prospection, ce qui donne libre voie au partenaire de facturer, à sa guise, ces dépenses, d’où la possibilité de surfacturation”.
Il fait également état de l’absence de mesures garantissant à l’entreprise la possibilité de vérifier les dépenses de prospection lors de la cession des intérêts pour éviter les éventuelles difficultés en cas de perte des documents.
Le rapport note, par ailleurs, l’inexistence de textes dans le Code des hydrocarbures et aussi dans les contrats pétroliers, garantissant à l’Etat le droit de revenir sur sa décision de participation ou non au permis, citant à titre d’exemple le champ Miskar, l’un des permis les plus productifs en Tunisie et malgré cela l’ETAP n’y est pas partenaire.
L’ETAP avait décidé de ne pas participer à ce permis, en raison, semble-t-il, de données erronées ou insuffisantes fournies par le partenaire stratégique British Gas “BG”. Il s’est ensuite révélé que les réserves de pétrole découvertes dans ce champ dépassaient de loin celles annoncées au départ.
L’ETAP achète “plus cher” le gaz algérien…
Dans une évaluation des mesures d’importation du gaz naturel algérien et de son transfert à la STEG, le groupe d’auditeurs a indiqué que les quantités de gaz achetées ont dépassé les quantités contractées avec la société algérienne SONATRAC (plus de 71% de la quantité globale).
Le rapport évoque aussi un prix “plus cher” que l’ETAP paye pour acheter le gaz algérien par rapport aux autres acheteurs. Le gaz algérien passe, pourtant, à travers la Tunisie via un gazoduc transfrontalier (Algérie, Tunisie, Italie).
L’ETAP figure au 9ème rang des acheteurs qui bénéficient de prix avantageux sur un total de 11 (le premier acheteur est celui qui bénéficie du meilleur prix).
Critique sur la technologie utilisée par la STIR
S’agissant de la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR), le rapport du CGF critique la technologie utilisée par la société qui ne permet d’obtenir que 66% du pétrole brut en tant que produit raffiné. La quantité restante (33%) de fuel est exportée à des prix dérisoires.
Dans le monde, la technologie de raffinage utilisée de nos jours permet d’avoir 90% de produits raffinés et de produire un fuel comportant un taux élevé de soufre qui pourrait être utilisé par les industriels tunisiens.
Au vu de la mauvaise qualité des produits obtenus, la société se trouve obligée de mélanger ces derniers avec des produits pétroliers raffinés importés pour en réduire les polluants.
Les auditeurs ont évoqué, dans le même rapport, l’absence d’un service de comptabilité analytique capable de présenter une information crédible et cohérente sur les résultats des activités de la société concernant chaque produit à part. “Ceci affaiblit la capacité du Conseil d’administration de la STIR à prendre des décisions basées sur des analyses approfondies et accroît, par conséquent, les risques de gestion”, selon leurs dires.
La STEG victime de la subvention publique
En ce qui concerne la STEG (Société tunisienne d’électricité et du gaz), le rapport évoque des facteurs internes qui ont contribué à la dégradation de la situation financière de la société et à l’augmentation de la subvention de l’Etat au secteur de l’électricité et du gaz.
En conséquence, le rapport recommande l’adoption d’une stratégie interne pour maîtriser le coût d’acquisition des hydrocarbures à travers la réduction des quantités consommées et l’amendement de certains contrats d’approvisionnement en gaz ainsi que la maîtrise des coûts de gestion et d’exploitation, ce qui pourrait contribuer à la réduction des pertes nettes de la société et partant réduire la prime de subvention.
La STEG aurait pu réduire le volume de la subvention entre 2012 et 2013 d’un montant d’environ 383 millions de dinars et 254.000 dinars si les projets prévus avaient été réalisés dans les délais convenus, indique le rapport.
La société gagnerait aussi à adopter une démarche basée sur la maîtrise de la consommation qualitative des unités de production et à éviter les gaspillages.
Le rapport a mis en exergue les charges supplémentaires supportées par l’Etat, lesquelles sont liées à l’acquisition du gaz naturel auprès des propriétaires de certains permis d’exploration, précisant que ces charges additionnelles s’expliquent par la non mention dans les contrats d’acquisition du gaz d’un plafond fixé pour les quantités du fuel pouvant être acceptées dans les quantités de gaz remises à la société.
Selon le rapport, cela ne permet pas d’obtenir des indemnités en cas d’une panne qui pourrait survenir au niveau des stations de génération d’électricité, suite à l’écoulement du fuel avec le gaz. Ces contrats stipulent des amendes qui devraient être réglées par la STEG et en cas d’impayé leurs montants dépasseront de loin les pénalités de retard supportées par les propriétaires des permis. Ces amendes sont exigées au cas où les propriétaires des permis n’assurent pas les quantités de gaz convenues.