ès de Nantes (Photo : Jean-Sebastien Evrard) |
[06/05/2015 13:04:12] Paris (AFP) Un flash, une amende mais généralement pas de retrait de points sur le permis: les salariés pris en faute au volant d’une voiture d’entreprise bénéficient d’un “passe-droit”, selon le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) qui aimerait y mettre fin.
Le CNSR votera lundi une recommandation pour “remédier aux failles qui permettent à des conducteurs d’échapper à tout ou partie des conséquences d’une infraction constatée, rompant ainsi le principe d’égalité entre citoyens”.
Il veut “faciliter l’identification du conducteur lorsqu’une infraction est relevée” par les radars (vitesse, feu rouge, passage à niveaux) et préconise notamment “l’obligation, assortie d’une sanction dissuasive, pour les personnes morales d’assurer la traçabilité temporelle des conducteurs sur leur parc de véhicules”. Autrement dit, les employeurs devraient tenir un registre indiquant l’identité du salarié qui utilise un de ses véhicules.
Actuellement, 10 à 15% des flashes de radars concernent des véhicules de société, selon l’association Promotion et suivi de risques en entreprise (PSRE), mais rares sont ceux qui aboutissent à un retrait de points.
Les raisons sont multiples. Juridiquement d’abord, un salarié peut aisément contester avoir été au volant car “95% des radars flashent par l’arrière” et le chauffeur n’est donc pas identifiable, explique le président de l’Automobile club des avocats, Rémy Josseaume.
Son employeur pourrait le désigner mais ne le fait généralement pas, de peur qu’à terme il perde son permis et ne puisse plus travailler ou travaille sans permis. “Donc on s’arrange avec la loi. On se dit: +On lui fait payer l’amende. Il y a une sanction pécuniaire, c’est déjà mieux que rien+”, ajoute l’avocat.
“Mais avant de risquer leur permis, les salariés risquent leur vie !”, lance le Délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe: “L’entreprise, en prenant à sa charge les points et les amendes, joue avec la vie des salariés”.
– Effets pervers –
Selon la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), 19.565 accidents routiers ont eu lieu dans le cadre du travail en 2012, tuant 115 personnes et aboutissant à 1.878 incapacités permanentes. Avec 20% des accidents mortels, le risque routier est la première cause de mortalité au travail.
Avec une mortalité routière repartie à la hausse en 2014, “lutter contre les passe-droits est un axe de la politique du ministre” de l’Intérieur, affirme Emmanuel Barbe.
. (Photo : Georges Gobet) |
“Un passe-droit, c’est ne pas se voir opposer la loi. Or là , c’est l’application de la loi: quand on ne peut pas identifier, on est pécuniairement responsable”, rétorque Me Josseaume.
“A l’heure où l’on est capable de faire du +big data+, on ne peut pas dire qui est dans une voiture à un moment donné ? Ce n’est pas sérieux. On essaie en réalité d’éluder les contrôles”, estime M. Barbe. “Dans certaines entreprises de location de voitures, on sait désormais qui était au volant”, souligne le délégué interministériel, qui mise également sur la multiplication des radars “double face”.
“Le système actuel a des effets pervers”, ajoute le délégué général de la PSRE, Jean-Claude Robert: “En tant que chefs d’entreprise, nous remarquons que les salariés qui bénéficient de cette mesure continuent généralement dans l’infraction”.
“Et ça pose aussi un problème administratif: devant l’accroissement du volume, certaines entreprises voient leur service Ressources Humaines consacrer une bonne partie de leur temps à gérer les infractions, faire les requêtes en exonération, payer les amendes…”
“Depuis quatre ans, les entreprises dotées de grandes flottes ont changé leur comportement. Aujourd’hui, c’est du 50-50, note-t-il. Mais le message est plus difficile à faire passer dans les petites entreprises car désigner un salarié fautif peut créer une tension”.
Cette recommandation, qui n’a rien de contraignant, a avant tout valeur de sensibilisation. “Ce serait aux salariés, aux syndicats de s’en emparer, estime Emmanuel Barbe. Cette mesure de protection de la vie des salariés devrait être inscrite dans les conventions collectives”.