Pour Eileen Murray, la directrice régionale du bureau de la Banque mondiale à Tunis, qui s’est exprimée aussi en tant que citoyenne grecque amoureuse de la Tunisie, l’exemple de la Grèce est édifiant à plus d’un titre. «Nous n’avons pas fait de réformes économiques en Grèce. Nous avons menti à l’Europe, nous avons construit des autoroutes et des ponts qui ont coûté trois fois leur prix, et voilà où nous en sommes. La Grèce vit la pire crise économique de son histoire».
Moralité de l’histoire : il faut choisir ou de réformer -si nous ne pouvons nous suffire de nos propres moyens-, ou de payer les pots cassés plus tard. Autant le faire avant que tout s’effondre autour de nous et sans avoir de fusil brandi sur la tête.
L’endettement a évolué dangereusement en Tunisie ces dernières années, a observé Mme Murray, mais il est encore soutenable, ce qui appelle les autorités et les décideurs à faire preuve de plus de vigilance et de prudence et surtout à être plus sélectifs dans le choix des bailleurs de fonds multilatéraux ou bilatéraux. «Contracter un emprunt de 500 millions de dollars avec un taux d’intérêt de plus de 5%, est-ce qu’il y a de mieux sur le marché? Ne faut-il pas utiliser l’argent du contribuable de la manière la plus efficace possible?»
Eileen Murray a également relevé que le dernier déplacement à Washington d’une délégation du gouvernement tunisien a été jugé positif de la part des autorités monétaires sur place, ce qui témoigne du capital confiance accordé à la Tunisie par les bailleurs de fonds internationaux.
Pour Ulrich Brunnhuber, représentant de la BEI (Banque européenne d’investissement) en Tunisie, parler de conditionnalité étouffante est un terme qui ne sied nullement à tout ce qu’a fait et tout ce que fait la BEI dans notre pays. Il en est d’ailleurs surpris. Surpris parce que la BEI, qui est une banque qui finance en premier lieu et à près de 90% des projets en Europe, n’a pas imposé à la Tunisie des conditions autres que celles posées aux contractants européens. Depuis 10 ans, la BEI a accordé à la Tunisie des milliards de dinars de prêts pour financer les infrastructures. Depuis le 14 janvier 2014, elle a axé ses interventions sur l’infrastructure sociale. La Tunisie bénéficie de 10% de prêts accordés par la banque à l’international.
«Il n’y a pas de discrimination. Nous appliquons les mêmes standards partout et notre principal critère se base sur les best practices. Nous sommes également une banque de conseil et là, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de conditionnalité mais de conseil».
Ulrich Brunnhuber considère que la BEI est une banque dédiée au financement de projets réels et concrets qui doivent être pérennes, rentables et utiles pour le pays bénéficiaire et non une banque qui impose à ses partenaires des conditions accablantes.
Il est rejoint par ses homologues à la coopération allemande et l’AFD, qui estiment qu’aujourd’hui aucun pays au monde ne peut vivre replié sur lui-même tout comme il n’est pas logique de solliciter des fonds sans que l’on puisse savoir à quoi ils servent. «L’usage des fonds en question nécessite que nous soyons sûrs de la gouvernance, de la transparence et de la redevabilité», a indiqué l’attaché économique auprès de l’ambassade d’Allemagne en Tunisie, pays beaucoup plus impliqué en Tunisie depuis 2011. «Nous avons une plus forte présence en Tunisie, les relations politiques ont atteint des niveaux extraordinaires. Il est étonnant que nous entendions parler de conditionnalité en ce qui concerne la Tunisie, c’est un pays que tout le monde veut soutenir et où nombre de pays veulent s’engager en y investissant des fonds importants. Le plus important est de savoir à quoi vont servir ces fonds et qu’est-ce qu’ils vont financer. Mieux encore, nous sommes peu exigeants avec la Tunisie».
Pour Serge Degallaix, ancien ambassadeur de France en Tunisie, une phase de transition nécessite des sacrifices de la part de tout le monde.
A situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles et peut-être qu’avant que nos politiciens en herbe critiquent les bailleurs de fonds internationaux, lesquels, semble-t-il, ne sont pas directement concernés par la Tunisie, ils devraient revoir leurs positions et se remettre de leurs peurs obsessionnelles d’être exploités et détruits par ceux qui viennent de l’extérieur.
La principale œuvre de destruction est perpétrée par les Tunisiens eux-mêmes et ceux qui ne veulent pas être humiliés par le reste du monde le seraient très bientôt au vu de ce qui se passe dans nos entreprises publiques et privées.
La CPG fermée depuis des jours et des jours, 4 grandes entreprises comme TPR, Tunisie Porcelaine, Misfat et Tunisie Sanitaire en lock-out parmi elles, il y en a qui délocaliseront vers d’autres cieux où le climat social sera plus serein. En Tunisie, les traitres ne sont peut-être pas ceux qui veulent engager des réformes pour sauver le pays mais plutôt ceux qui font tout pour bloquer les réformes pour que le pays tombe et qu’ils le cueillent agonisant.
La bêtise de certains n’a pas de limites mais c’est l’inertie de l’Etat qui est encore plus révoltante au vu de ce qui se passe dans nos entreprises.
Dans pareil contexte, nous aurions aimé que le Forum organisé par l’Economiste maghrébin ait pour thème précurseur: «Qui résiste aux réformes en Tunisie et quelles en sont les raisons?».
Notre gouvernement a le devoir et l’obligation de reprendre le contrôle et le pouvoir pour mettre fin à l’affolement de la machine économique et sociale qui est en train de mettre en déroute les équilibres fondamentaux de nos pays.