Après les journalistes –ou considérés comme tels-, les “entrepreneurs des médias“, nous consacrons cette 3ème partie aux annonceurs publicitaires, aux distributeurs (de presse), la HAICA et Conseil de presse qui jouent un rôle fondamental dans notre paysage médiatique…
Les annonceurs publicitaires, privés ou publics, sont les vrais investisseurs dans les médias, car grâce à eux nous continuons à avoir des journaux dans les kiosques, à écouter la radio, à regarder certaines télés et à naviguer sur certains sites Internet.
Il n’est pas concevable dans n’importe quel pays au monde que les lecteurs puissent aujourd’hui financer entièrement une publication ou un autre organe de presse. Cependant, cette manne financière doit être régulée par les intéressés (médias et entreprises et éventuellement l’Etat-annonceur) pour ne pas basculer dans la pire propagande -elle n’est pas seulement politique.
Nous en savons quelque chose avec la tristement célèbre expérience de l’ATCE –pour Agence tunisienne de communication extérieure- qui a abouti à un asservissement général des médias au profit du pouvoir avec l’argent du contribuable. Nous sommes aujourd’hui dans une situation pire que celle de l’ATCE. Il n’y a aucune règle claire d’attribution des publicités publiques, et le pouvoir discrétionnaire donné ainsi gratuitement à l’administration se transformera (s’il ne s’est déjà transformé) en une arme aux mains des politiques qui gouvernent.
En plus, l’absence de régulation touche aussi le secteur privé lui-même. L’annonceur ne peut se fier à aucune instance indépendante pour la justification de la diffusion ou de l’audimat des médias. Ceci crée un climat malsain où les critères de sélection d’un support n’ont plus rien à voir avec sa diffusion ou son contenu…
Les distributeurs (de presse)
La distribution des journaux n’est pas régulée en Tunisie. L’incident dont ont été victimes les hebdomadaires El Bayane et El Moussawer est passé presque inaperçu par certains, mais il pose un problème vieux de plusieurs décennies.
Le distributeur attitré du Grand Tunis que tout le monde connaît dans le milieu a fini par constituer un empire qui ne répond qu’à ces règles à lui ou à ceux de ses commanditaires. Avant, le seul commanditaire était la direction des affaires politiques du MI –ministère de l’Intérieur-, mais aujourd’hui qui est le commanditaire de cette personne qui, à la tête d’un vrai réseau familial à 90%, exerce un droit de vie ou de mort sur n’importe quel titre?
Le même problème se pose pour la distribution à l’intérieur du pays qui se fait selon des modalités opaques, et qui, du coup, ne permet pas une transparence et une gestion saine et claire de l’économie des médias …
HAICA et Conseil de presse
Les instances de régulation jouent un rôle central dans les pays démocratiques pour réguler le secteur des médias, veiller à l’application de la déontologie la plus largement acceptée et constituer un premier volet de règlement des litiges dans les cas de conflit entre acteurs du secteur ou avec les consommateurs des médias.
Nous avons vu ce que la HAICA a dû affronter comme difficultés pour faire entendre raison à des entreprises audiovisuelles et même à des politiques. D’ailleurs, jusqu’ici elle n’a toujours pas pu avoir raison de certaines têtes dures! Le secteur de la presse écrite n’est pas régulé du tout et celui de la presse électronique n’y pense même pas!
Nous avons aujourd’hui un besoin urgent de ces instances de régulation qui est plus impératif que des nouvelles lois pour le secteur.
Les instances de régulation, les commissions paritaires entre entreprises de presse, Etat et annonceurs, les syndicats représentatifs de chaque catégorie du personnel des médias sont les acteurs qui seuls peuvent poser les vrais problèmes, appeler les choses par leurs noms et trouver, dans le consensus, les régulations nécessaires pour nous faire passer le cap de cette transition chaotique qui nous conduira à l’anarchie si elle continue comme elle l’est aujourd’hui.
*Journaliste, expert en communication