Néji Jaloul, Saïd Aïdi et Noomane Fehri ont –au moins- un point commun: durant leurs trois premiers mois de membres du gouvernement Habib Essid, les ministres de l’Education, de la Santé publique et des Technologies de la communication et de l’Economie numérique ont dû affronter des grèves dans leurs secteurs respectifs, d’une acuité variable. Et à en juger d’après leurs prestations lors de la deuxième édition des «Rencontres de Tunis», organisée jeudi 30 avril, par Sigma Conseil et la fondation Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS), les trois ministres ne sont pas sortis de cette épreuve dans le même état et avec le même état d’esprit.
Malgré le stress et les difficultés auxquelles ils sont encore confrontés, Saïdi Aïdi et Noomane Fehri dégagent une impression de calme, voire de sérénité, et semblent, surtout, déterminé à maintenir le cap qu’ils se sont tracé.
Convaincu que «le court-termisme l’emporte sur la vision» aujourd’hui en Tunisie, le ministre de la Santé publique s’est fixé comme objectif d’élaborer un projet de réforme susceptible de donner à la Tunisie un système de santé digne de ce nom.
Cette réforme, Saïd Aïdi veut la construire en tenant compte des enjeux et pour répondre aux préoccupations des Tunisiens concernant le déséquilibre régional en matière de santé publique, les difficultés rencontrées par certaines franges de la population dans ce domaine, l’explosion des maladies chroniques –notamment le diabète-, l’essoufflement du système à cause de la détérioration des infrastructures, etc.
Venu lui aussi, à l’instar de son collègue de la Santé publique, du secteur privé, Noomane Fehri, qui se dit habité par «une peur bleue», celle de voir «la fracture numérique» perdurer voire s’aggraver en Tunisie –ce qui, selon lui, nous fera rater le coche-, voudrait en quelque sorte imiter ce qu’a fait le premier président de la République tunisienne, Habib Bourguiba. «Bourguiba a investi dans l’école. L’investissement a payé mais est en train de s’essouffler. Après avoir généralisé l’école, il faut aujourd’hui généraliser le numérique». Pour ce faire, l’ambitieux ministre a élaboré un plan en une demi-douzaine de points pour atteindre cet objectif progressivement sur les cinq prochaines années.
Néji Jaloul, enfin. Des trois ministres, celui de l’Education semble le plus marqué par les épreuves vécues, voire, par moments, tétanisé par l’ampleur de la tâche qui l’attend à la tête de ce ministère.
Avouant avoir «débarqué avec une idée vague», le ministre de l’Education affirme que «l’école de 1958 est finie». Néji Jaloul déclare vouloir «enraciner les Tunisiens dans un choix de modernité et d’ouverture» et mener la nécessaire réforme pour répondre aux interrogations qu’ils se posent au sujet du système éducatif: l’âge de scolarisation, l’égalité des chances, la qualité des acquis scolaires, l’efficacité du système éducatif, l’état de l’environnement scolaire –«souvent répulsif»-, le problème de la gouvernance –le ministre signale l’existence d’un «problème d’administration scolaire», qui fait que les «directeurs d’établissements sont souvent des enseignants syndiqués»-, le problème du financement –«l’Etat ne peut plus financer l’école»-, etc.
Pour redresser la barre, il faut donc réformer le système. Le ministre ne veut pas d’une réforme «comme celle de 1990 qui a été faite dans les bureaux et a pour cela échoué». Ne cachant pas sa crainte que la réforme en préparation connaisse le même sort –et qu’elle soit notamment imposée par les enseignants-, Néji Jaloul appelle à un débat auquel il voudrait que les Tunisiens prennent part. Car «la réforme de l’école n’est pas un dossier technique mais un choix de société».