à Martigues, dans les Bouches-du-Rhône (Photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT) |
[12/05/2015 10:06:12] Paris (AFP) Henri Proglio, qui a renoncé mardi à la présidence de Thales en accusant Bercy de faire “campagne” contre lui, est un patron tenace qui s’est forgé une réputation de dirigeant à poigne, au cours d’une carrière qui l’a mené à la tête de Veolia puis d’EDF.
“J’en ai assez du soupçon, de l’humiliation”, a déclaré M. Proglio en annonçant sa décision au journal Le Monde. “Il faut arrêter de me prendre pour un guignol, un espion, un goinfre, un traître”, s’est-il emporté, récusant tout conflit d’intérêt pour ses liens avec la société russe Rosatom, et accusant le ministère de l’Economie de “cherch[er] à abattre un homme pour des considérations politiciennes.”
A l’automne, l’homme au profil aquilin, au physique sec et bronzé, n’avait pas été renouvelé à la tête du géant énergétique français EDF. Il souhaitait pourtant rester en place jusqu’à la limite d’âge, soit ses 68 ans qu’il fêtera en 2017, mais l’Etat, actionnaire à 84,5%, lui avait préféré Jean-Bernard Lévy, patron de Thales, au terme de plusieurs semaines de suspense.
Fils de commerçants d’origine italienne, Henri Proglio avait rejoint EDF en novembre 2009 après avoir fait carrière à la Compagnie générale des eaux où, entré comme stagiaire, il avait gravi un à un les échelons pendant près de 40 ans jusqu’à devenir PDG du groupe, rebaptisé Veolia.
Son début de mandat au sein du poids lourd du CAC 40 avait été tumultueux, puisqu’à peine nommé, il avait suscité la polémique en exigeant de conserver la présidence de Veolia, dont les clés étaient alors remises à un de ses fidèles lieutenants, Antoine Frérot, qu’il aurait ensuite tenté de déboulonner.
A la même époque, il affirme qu’EDF doit prendre la tête de la filière nucléaire et provoque un conflit avec son homologue d’Areva et adversaire résolue, Anne Lauvergeon, dont il finit par obtenir l’éviction en 2011.
– Réseaux –
Au sein de son groupe toutefois, il réussit à apaiser les relations, en établissant une relative paix sociale avec la CGT, et son bilan est jugé globalement positif.
Décrit comme habile, il sait aussi faire profil bas quand c’est nécessaire: il a joué le jeu sur le projet de loi de transition énergétique, projet phare du quinquennat de François Hollande, ou le gel des tarifs de l’électricité. Il s’est soumis aussi au plafonnement par l’Etat de sa rémunération à 450.000 euros annuels.
éaire au Bourget, près de Paris (Photo : Patrick Kovarik) |
Pour autant, l’arrivée de François Hollande au pouvoir, en 2012, a failli coûter sa place à ce chiraquien de coeur, nommé en 2009 par Nicolas Sarkozy.
“Je défie quiconque de réussir à me classer politiquement, je suis avant tout un homme d’entreprise”, s’est-il offusqué mardi dans le Monde.
Homme de réseaux sans être courtisan, il a réussi à se forger des soutiens au sein du gouvernement actuel et du PS, voire des amitiés à gauche malgré ses convictions de droite. Dans ce domaine, il se montre d’ailleurs aussi fidèle qu’il est tenace dans le conflit et dans ses manoeuvres.
– Astronaute –
Enfant, Henri rêve d’être astronaute. Il fera l’école des Hautes études de commerce (HEC), comme son frère jumeau, “parce que le voisin du dessus avait dit à mon père que c’était ce qu’il y avait de mieux”, avait-il raconté au Point. Ses parents sont “vendeurs des quatre saisons” sur le marché d’Antibes quand il naît le 29 juin 1949.
à Paris (Photo : ERIC PIERMONT) |
Le dirigeant fait son service militaire dans le renseignement et c’est en 1971, un peu par hasard, qu’il entre à la Générale des eaux, en répondant à une petite annonce anonyme intitulée “Grand groupe de services recherche…”.
“Quand j’ai reçu la réponse, j’ai cru que c’était ma facture d’eau”, a-t-il plaisanté.
Là, il réussit à sortir indemne des affaires politico-financières du règne de Guy Dejouany et des turbulences de l’ère Jean-Marie Messier, avant de prendre, en 2000, la tête de la branche environnement de Vivendi, qui deviendra deux ans plus tard Veolia.
A cette époque, ses relations politiques se portent pour le mieux: il a ses entrées à l’Elysée où Jacques Chirac l’invite régulièrement, et l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République n’entame pas sa cote. Sollicité pour succéder à Pierre Gadonneix à EDF, il accepte, en posant ses conditions.
Veuf et père de deux filles, M. Proglio s’est récemment remarié avec la comédienne et humoriste Rachida Khalil. Discret, il se dit passionné par la cuisine italienne, “les voitures, la vitesse, la compétition”.