“La vengeance est une justice sauvage”, disait Francis Bacon dans ses essais. Il est des fois où le besoin «maladif» de se venger d’une personne ou d’une catégorie sociale pour réagir à une injustice réelle ou à une présomption d’injustice devient nuisible et nocive aussi bien pour les personnes que pour le pays».
C’est le cas en Tunisie, aujourd’hui et ce depuis 2011. Nous assistons à une parodie de justice justifiée par une révolution, qui n’en est vraiment pas une, et perpétrée par nombre de justiciers qui dénoncent des actes ou des délits qu’ils pratiquent eux-mêmes dans leur ordinaire discrètement et des fois publiquement.
Dans ce contexte perpétuellement transitoire, qu’en est-il de la probité? De l’intégrité? De la droiture? De la légalité et du droit lorsqu’une commission, certes constituée par une décision politique arbitraire, se transforme avec ses juges, experts et autres hauts commis de l’Etat, en un tribunal inquisitoire sans aucune miséricorde et dans un esprit résolument revanchard? Et ce bien qu’aujourd’hui la volonté politique penche clairement vers la réconciliation nationale. 5 ans de ressentiment, c’est trop pour un pays comme la Tunisie.
Déjà, du temps de la présidence de la Commission par le juge Adel Ben Ismaïl, un monsieur fort respectable et respecté, grand spécialiste du droit commercial et soucieux des intérêts de l’Etat, on voyait la haine jaillir des regards de certains membres de la Commission, lesquels estimaient que le décret présidentiel leur accordait tous les droits, occultant en cela, comme expliqué par Me Abdessattar Ben Messaoud, un droit fondamental: celui de la propriété.
«Cette loi est une atteinte au droit de propriété, il faut qu’elle soit révisée dans le sens d’une sanction complémentaire lorsque le prévenu est jugé coupable par les tribunaux». «Au national comme à l’international, ce décret a donné de la Tunisie une très mauvaise image aux investisseurs et de très mauvais signaux, renchérit Me Ben Messaoud, cela rappelle les mauvais souvenirs de l’expérience nationaliste».
Dans nombre de pays, la nationalisation a très mauvaise presse. Ainsi on la considère comme «un vol légalisé de la propriété d’une entreprise privée par l’État. Le mot “étatisation” serait donc plus exact que celui de “nationalisation”, puisque ce n’est pas la nation qui s’approprie l’entreprise, mais l’État… Il s’agirait donc d’une usurpation illégitime qui viole toutes les règles du droit».
La confiscation touchant des personnes qui ont profité du népotisme et des privilèges immoraux, illégaux et illicites, est tout à fait justifiée lorsque la culpabilité des personnes concernées est prouvée, mais lorsque ce n’est pas le cas, preuves à l’appui, pourquoi autant d’acharnement?
Une justice inquisitoire…
Le Tribunal administratif vient de stopper net 5 décisions de confiscation prises par la Commission. Les raisons? «La Loi permet de demander le sursis sur l’application des décisions de confiscation par le biais d’une requête soumise auprès du président du Tribunal administratif. Ce dernier dispose d’un mois pour statuer sur ces requêtes. 5 requêtes lui ont été soumises à ce jour sur lesquelles il a tranché en émettant des jugements opposables à toutes les autorités, ces jugements obligent la Commission de confiscation et celle de la gestion, insusceptibles de recours valables jusqu’au jugement de l’affaire sur le Fond», indique Me Messaoud.
Pour ce qui est des décisions, les chambres de première instance ne peuvent pas statuer avant 1 à trois ans. «Ce type de jugement prend du temps pour que des décisions prises ne découlent pas des dommages irréversibles ou des situations irréparables. En général, le premier président du Tribunal administratif ne donne pas de sursis s’il n’y a pas une véritable présomption d’illégalité de la décision prise auparavant».
Le décret de 2011 est inconstitutionnel…
En application de l’article 108 de la Constitution et dans le but de garantir les droits du plaignant et les principes de la justice et de l’équité, les décisions de confiscation des biens et avoirs stipulés par le décret présidentiel n°13 de 2011 sont de ressort du Tribunal administratif qui a toute la latitude de les annuler s’il est prouvé que la partie plaignante est lésée.
«La décision de confiscation nous appelle à nous interroger sur tout d’abord sa constitutionnalité et sa conformité aux conventions internationales et à la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10/12/1948 ainsi qu’au Pacte international aux droits civils et politiques de 1966 et qui a été ratifié et entériné par la Tunisie. Notre pays est dans l’obligation de respecter les conventions internationales. Il y a donc non seulement le problème de l’inconstitutionnalité du décret de 2011 mais aussi celui de sa légalité puisqu’il n’a pas été adopté par la Constituante encore moins par l’ARP».
Des abus à la pelle…
Pour Me Ben Messaoud, la Commission a commis beaucoup d’abus en usant d’un pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision et en n’appliquant pas le principe du contradictoire. Un principe qui constitue le fondement de la procédure civile, pénale et administrative en tant que principe général du droit et l’une des principales traductions concrètes de la notion de procès équitable. Car c’est ainsi que l’on garantit tout d’abord aux parties qu’elles ne seront pas jugées sans avoir été sinon entendues, du moins appelées.
La Commission de confiscation «made in Tunisia» se prête plus au tribunal inquisitoire du Moyen âge. Elle ne fait aucun effort pour écouter, entendre les arguments du «prévenu» ou vérifier si ses biens proviennent d’un héritage ou de l’usufruit de l’héritage. Et encore, elle pourrait évaluer et calculer les revenus illogiques et demander réparation si cela est prouvé mais certains de ses membres ressentent presque du plaisir à spolier certaines personnalités qu’ils n’apprécient pas de leurs biens, escamotant sans aucune vergogne le principe de l’équité.
Une juridiction d’“exception“
A ce train là et sans une justice équitable, quelles sont les chances pour la Tunisie de voir les investisseurs relancer leurs investissements et d’autres venir de l’étranger?
La Commission de confiscation des biens est presque devenue une juridiction «d’exception», avec des juges inquisiteurs et un pouvoir exorbitant du droit commun, lequel dans certains cas a été abusivement employé. Les membres de cette commission ont cumulé les pouvoirs du juge d’instruction, du procureur et du juge.
C’est ce qui explique que l’on ait saisi le Tribunal administratif pour certaines affaires où les plaignants se sont sentis lésés. C’est aussi une marque de confiance dans ce tribunal qui n’a jamais failli et ce depuis l’ère Ben Ali. «Pour le moment, le Tribunal n’a pas statué sur le fond, il n’a pas encore apprécié les décisions de la Commission de la confiscation. Il a répondu aux recours en annulation de demande de justice de l’exécution. Ce sont les chambres de première instance du TA qui statueront en définitive mais il va falloir attendre, car elles sont submergées par les dossiers».
Rendez le bien pour le bien et la justice pour le mal, disait aussi Conficius. Ce n’est malheureusement pas le cas dans la Tunisie de la liberté de l’expression, de l’égalité et des «droits de l’homme»!
Pour quels agendas…
Ces droits sont devenus un cliché. Il est quand même étrange que la LTDH et toutes les Associations guidées par certaines personnes animées de très «bonnes intentions» mènent des guerres sans merci contre la peine de mort même si le condamné a violé, assassiné ou posé une bombe en arguant que l’Etat doit être au dessus des actes perpétrés par de simples individus et jouent aux morts lorsqu’il s’agit du droit de tous les Tunisiens à être jugés de manière équitable, qu’ils soient riches ou pauvres, faibles ou forts.
Ces principes ne feraient-ils pas partie de certains agendas qu’ils servent loyalement depuis des années?