à Francfort (Photo : Daniel Roland) |
[13/05/2015 12:52:53] Paris (AFP) S’il permet aux États européens d’emprunter à moindre coût, le contexte actuel de taux bas ou négatifs se révèle un casse-tête pour ceux qui doivent faire fructifier l’épargne: assureurs ou fonds de pension.
Malgré leur récente remontée, les taux d’intérêt des obligations souveraines restent à un faible niveau: les taux de référence à 10 ans des obligations françaises et allemandes ont évolué ces derniers mois largement en dessous de 1%, et celui des obligations suisses est même devenu négatif début avril.
Ces obligations, qui offrent une garantie de remboursement tout en permettant d’engranger des intérêts fixes, sont très prisées des investisseurs de long terme, car ils permettent de placer en toute sécurité les fonds des épargnants, une tendance renforcée par la réglementation pour les assureurs et les fonds de pension.
Quand un épargnant souscrit un contrat d’assurance-vie en euros, ce sont sur ces titres que ses fonds sont investis. L’an dernier en France, ce type de contrat a rapporté en moyenne 2,5%, nettement plus que les taux actuels.
Pour proposer ce niveau de rendement, les assureurs ont puisé dans leurs provisions, une technique qui n’est pas pérenne si les taux restent durablement bas, soulignent les experts.
“Cette baisse des taux et l’incertitude qui l’accompagne va affecter les rendements des contrats d’assurance-vie”, estime Claude Chassain, associée responsable de l’actuariat chez Deloitte.
Chez les assureurs, le niveau des taux est un sujet de préoccupation récurrent depuis quelques mois, dont se font l’écho agences de notation et analystes.
Le Fonds monétaire international a estimé mi-avril qu’en raison des taux bas, “les assureurs-vie européens de taille moyenne donnant des signes de faiblesse se heurtent à des risques graves et grandissants”.
– “Dommage collatéral”-
En Allemagne, les assureurs se montrent particulièrement critiques de la politique accommodante de la Banque centrale européenne, car ils garantissent à leurs clients un taux minimum de rendement bien plus élevé que leurs concurrents français.
“Le problème des assureurs allemands est qu’ils avaient garanti il y a quelques temps des rendements sur des contrats de type Euro à long terme. Ces rendements doivent être honorés tous les ans alors que les taux baissent”, explique Claude Chassain.
“L’économie de l’assurance fait face actuellement en Allemagne à une sorte de dommage important, de l’ordre de plusieurs milliards, provoqué par la politique de taux très bas menée par la Banque centrale européenne”, s’emportait Karsten Eichmann, patron de l’assureur allemand Gothaer, dans les colonnes du Süddeutsche Zeitung début mai.
Selon lui, “il est clair que dans un environnement de taux proches de zéro, l’assurance-vie devient dans tous les cas une activité à perte”.
Les fonds de pension tirent également la sonnette d’alarme; PensionsEurope, lobby européen de ces caisses de retraite privées, a interpellé fin avril les régulateurs dans une étude d’impact: “Les fonds de pension ne peuvent pas être considérés comme un dommage collatéral du QE (nom de la politique accommodante de la BCE, ndlr) alors que le problème concerne l’épargne retraite de millions d’Européens”.
“Quand on a des engagements très longs, avec les taux d’aujourd’hui, c’est un casse-tête”,souligne Claude Chassain. “Au Royaume-Uni, depuis assez longtemps les fonds de pension ont abandonné les régimes à bénéfices définis pour les régimes à cotisations définies qui permettent de prendre en compte les conditions économiques au moment du départ à la retraite”.
Côté assureurs, la stratégie est d’investir dans des actifs plus risqués: les obligations d’entreprise, les actions, les infrastructures… Mais également d’orienter les épargnants vers des contrats où l’épargne n’est pas garantie, comme ceux en unités de compte.
C’est ce qui s’est passé au Japon, où les investisseurs connaissent un environnement de taux bas depuis longtemps: les assureurs ont réorienté leurs portefeuilles pour sortir les produits contenant des garanties et les remplacer par des produits liés au risque démographique, comme l’assurance temporaire décès ou la prévoyance, raconte Claude Chassain.
En France, les versements sur les contrats en unités de compte ont augmenté de 38% sur un an au premier trimestre.