ège de Francfort (Photo : Daniel Roland) |
[13/05/2015 12:48:31] Paris (AFP) Entre tensions et turbulences, le marché de la dette connaît un mois de mai difficile rompant avec la détente généralisée des taux d’emprunt des derniers mois et son cortège de records, mais l’été pourrait s’avérer plus clément.
Si les taux restent malgré tout très bas, poussés vers le fond par un programme de rachat de titres de dette publique de la Banque centrale européenne (BCE) d’ampleur historique, la remontée qui s’opère depuis 15 jours n’en est pas moins “violente”, de l’avis des spécialistes.
Sur le marché de la dette, plus il y a d’acheteurs, plus les taux d’intérêt diminuent et plus les conditions de financements des États sont attractives. Et inversement.
Avec le plan de la BCE, la référence du marché obligataire, le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne ou “Bund”, a même flirté avec le territoire négatif mi-avril en touchant un plancher historique à 0,049%.
Mais à la fin du mois, la donne a changé et le Bund a même grimpé jusqu’à un pic de 0,777% le 7 mai, il a donc été multiplié par plus de 15.
Que s’est-il donc passé en 15 jours ?
“Lorsque le Bund s’est approché des taux négatifs, un certain nombre de gérants très influents ont commencé à prédire des retournements de tendance”, affirme Patrick Jacq, un spécialiste du marché de la dette de BNP Paribas.
“Le marché se sentait de plus en plus mal à l’aise avec des taux aussi bas qui constituait une nouvelle donne, il suffisait donc de très peu pour faire bouger le marché”, constate pour sa part Daniel Stefanetti, gérant obligataire de la société de gestion luxembourgeoise Ethenea.
Au même moment, poursuit M. Jacq, “de très gros mouvements de vente extérieurs à la zone euro ont commencé à s’opérer”, signe que de gros investisseurs notamment américains étaient en train de partir, “alors que les banques centrales en Europe restaient pour leur part plutôt acheteuses”, détaille-t-il.
Parallèlement, à la faveur de meilleurs indicateurs en zone euro et d’une remontée des prix du pétrole, “de plus en plus d’investisseurs ont commencé à avoir peur d’un retour de l’inflation”, relève M. Stefanetti.
– “La BCE n’a aucune raison de s’arrêter” –
“Quand vous prêtez de l’argent, il y a trois types de risques: ne pas être remboursé, rater une opportunité pendant la période où l’argent est bloqué et enfin perdre du pouvoir d’achat à cause de l’inflation”, car si les prix ont monté vous achèterez moins avec la somme remboursée qu’au moment du prêt, explique M. Jacq.
Pour compenser ce dernier point, le prêteur sera donc enclin à souhaiter un taux d’intérêt plus élevé pour s’y retrouver à la fin.
“Tous ces facteurs ont abouti à l’idée que la BCE pourrait mettre fin plus tôt que prévu à son programme”, analyse Jean-François Robin, un spécialiste de la dette de Natixis.
“Tous les acheteurs qui rivalisaient jusqu’ici pour acheter des titres ont alors disparu” et les investisseurs en dehors de l’UE “ont pris leurs bénéfices”, ajoute-t-il, or “la BCE n’a aucune raison de s’arrêter”.
“Même si la situation s’améliore, nous sommes encore loin de la pleine croissance, la BCE ne va donc pas s’arrêter comme ça”, estime aussi M. Jacq.
Et pour les trois experts, le mouvement actuel ne devrait pas perdurer.
“Le plus gros risque à court terme est que des investisseurs européens capitulent et vendent” massivement, “mais pour l’instant ils prennent leur mal en patience” en attendant l’été qui devrait être plus favorable, avec en outre le plan de la BCE qui “reste un moteur puissant pour maintenir les taux à de bas niveaux”, d’après M. Jacq.
Le point positif, c’est qu’en remontant, les taux d’emprunt en zone euro “sont plus en accord avec les fondamentaux économiques”, avance M. Robin.
Et alors que des taux négatifs promettaient des complications, des taux moins bas devraient “simplifier les choses, observe M. Robin, et en particulier la vie de la BCE” qui trouvera plus de titres à acheter et “pourra donc plus facilement mener à bien son programme”.