La direction de DuPont l’emporte face à l’activiste Nelson Peltz

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à Mechelen en Belgique le 13 avril 2004 (Photo : Herwig Vergult)

[13/05/2015 15:16:48] New York (AFP) La direction du chimiste américain DuPont a infligé mercredi un retentissant revers à Nelson Peltz, l’un des plus influents investisseurs activistes, en bloquant son entrée au sein du Conseil d’administration grâce à un vote des actionnaires.

Les quatre candidats, dont M. Peltz, proposés pour siéger au conseil par Trian, le fonds d’investissement du milliardaire qui détient actuellement 2,7% du capital de DuPont, n’ont pas été élus lors de l’assemblée générale qui se tenait à Wilmington (Delaware, est).

En revanche, les douze membres proposés par la PDG Ellen Kullman, 59 ans, ont tous été élus par les actionnaires de ce groupe vieux de 213 ans et connu pour sa fibre synthétique Kevlar, utilisée dans la fabrication de gilets pare-balles, de pneumatiques ou dans l’industrie aérospatiale.

– L’action chute –

“Le vote était serré”, a concédé Trian, qui a promis de “continuer à surveiller de près la performance” de DuPont, dont la filiale Pioneer produit des semences de maïs.

A Wall Street, la déception des investisseurs qui avaient parié sur le succès de M. Peltz se ressentait dans la forte baisse de l’action. Le titre reculait de 6,04% à 69,86 dollars vers 14H35 GMT.

“Nous sommes heureux du dénouement et surtout du fort soutien de nos actionnaires à notre stratégie de transformation que nous allons continuer de mettre en oeuvre”, s’est réjoui en revanche Ellen Kullman, qui a parlé d’un “DuPont nouveau”.

C’est la fin d’une bataille médiatique de plus de deux ans qui s’est intensifiée ces quatre derniers mois, avec invectives et communiqués cinglants, et qui était surveillée de près par les milieux économiques américains pour jauger l’influence grandissante des investisseurs activistes.

DuPont est le premier grand groupe à tenir autant tête à un investisseur activiste depuis quasiment deux ans. La plupart des groupes ont souvent fait le choix de trouver un accord bien avant l’assemblée générale. C’est le cas du rival de DuPont, Dow Chemical, qui affrontait l’investisseur activiste Daniel Loeb.

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à New York (Photo : Evan Agostini)

Selon FactSet, seul un tiers des 603 “guerres de résolutions” initiées depuis 2009 sont allées jusqu’au vote des actionnaires.

C’est une victoire à la Pyrrhus pour Mme Kullman qui s’opposait fermement à l’entrée de M. Peltz au sein du conseil parce qu’elle le jugeait peu qualifié pour peser sur la gestion et l’avenir de son groupe.

Elle a en effet lancé la restructuration du groupe, qui passe par donner leur indépendance aux activités de chimie traditionnelle, qui vont être regroupées à partir de juillet dans une entité séparée baptisée Chemours.

Elle va également lancer un vaste programme de rachat d’actions d’environ 4 milliards de dollars dans les 12 à 18 mois suivant cette opération et veut faire des économies d’au moins 1,3 milliard de dollars d’ici 2017.

Certes, c’est loin de la scission du groupe plaidée par M. Peltz avec d’une part l’agriculture, la nutrition et la santé, et d’autre part les matériaux à hautes performances, les équipements de protection, l’électronique et la communication. Mais c’est beaucoup plus que n’envisageait la direction au départ.

– Signal –

Pour M. Peltz, habitué de batailles victorieuses comme contre les directions des ketchup Heinz en 2006 et de Mondelez en 2014, cette défaite est une tâche sur ses ambitions de s’attaquer à de grandes entreprises.

Elle envoie aussi un signal aux autres investisseurs activistes d’autant que M. Peltz avait reçu le soutien des trois puissants cabinets de conseil aux actionnaires (ISS, Institutional Shareholder Services, Glass Lewis et Egan-Jones), dont les recommandations étaient jusqu’ici très suivies.

Les investisseurs activistes se sont illustrés ces deux dernières années aux Etats-Unis en réclamant aux entreprises dans lesquelles ils ont pris des participations de céder ou de se séparer des activités peu lucratives, de racheter leurs propres actions pour en gonfler la valeur ou de tailler dans les coûts.

A quelques exceptions près, leur ascension s’est déroulée sans réel accroc et leurs noms sont des épouvantails pour les chefs d’entreprises qui critiquent leur vision à court terme.

Du fringant et élégant William (Bill) Ackman à Daniel Loeb en passant par Richard McGuire, ils sont présents dans quasiment tous les secteurs d’activités: Apple (Carl Icahn), Coca-Cola (Wintergreen Advisers), PepsiCo, DuPont et Bank of New York Mellon (Nelson Peltz, Richard McGuire), Yahoo! (Starboard Value).

Leur force est les fortes liquidités dont ils disposent. Ils géraient en janvier environ 91 milliards de dollars d’actifs, contre 59 milliards de dollars fin 2012, selon le cabinet eVestment.