La douane tunisienne est perçue par une grande partie des hommes d’affaires comme une structure parmi les plus corrompues en Tunisie. C’est ce que révèle une étude de l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ).
D’après cette étude, relevant du ministère du Développement et de la Coopération internationale, 33% des entreprises ayant réalisé des transactions avec l’extérieur durant les deux dernières années ont déclaré que les douaniers leur ont demandé des “rachwas” (pot-de- vin) en contrepartie d’une facilité des procédures de dédouanement.
En effet, la récente affaire des feux d’artifices au port de Sfax, qui a dévoilé l’implication d’hommes d’affaires et des douaniers dans l’importation illégale de ces produits (feux d’artifice) a jeté les projecteurs sur cette institution vitale qu’on accuse d’être gangrenée par la corruption.
L’enquête de l’ITCEQ n’est pas la seule à pointer du doigt la douane tunisienne. Dans une autre étude réalisée par l’expert à la Banque mondiale, Bob Rijkers a montré des différences énormes dans le volume des marchandises exportées par les pays européens vers la Tunisie et celles déclarées, à l’importation, aux ports et aux services de la douane tunisienne.
Ces différences prêtent à équivoque et confirment, dans un sens, l’entrée d’importantes quantités de marchandises en Tunisie “sans déclaration douanière et sans payer les tarifs douaniers”.
Pour parvenir à ce constat, l’étude s’est basée sur des données détaillées de la database de la Douane tunisienne et de l’Institut national de la statistique (INS) concernant l’activité de 256 entreprises, parmi les plus grandes importatrices au port de Radès, lequel assure 80% du commerce extérieur du pays avec l’étranger.
En plus des différences entre les exportations et les importations, l’expert a fait remarquer que les entreprises exploitent des “lacunes juridiques” et des failles au niveau des réglementations du Code de la Douane pour l’évasion fiscale et les déclarations erronées.
Il s’agit du régime d’admission temporaire (article 241 et 242), en vertu duquel le bénéficiaire s’engage à réexporter les marchandises ou à leur assigner, à l’échéance du délai imparti, une autre destination douanière admise et à satisfaire aux obligations prescrites par les dépositions légales et réglementaires régissant le régime de l’admission temporaire.
L’étude revient sur les pratiques des entreprises proches de Ben Ali qui exploitaient ces failles avant la révolution pour ne pas payer les tarifs douaniers à l’importation et aussi d’autres entreprises qui prétendent toujours que les marchandises importées sont destinées à la réexportation.
L’article 243 a aidé beaucoup les clans Ben Ali et Trabelsi à cumuler les fortunes parce qu’il est presque fait pour trouver des issues à l’évasion fiscale et encourager et les entreprises importatrices à esquiver le paiement des tarifs douaniers.
Celui-ci porte sur le régime du perfectionnement passif qui permet d’exporter temporairement des marchandises tunisiennes ou tunisifiées, en dehors du territoire douanier en vue de les soumettre à des opérations de perfectionnement et de mettre les produits résultant de ces opérations à la consommation en exonération totale ou partielle des droits et taxes exigibles à l’importation.
D’ailleurs, 27% des importations tunisiennes sont admises sous ce régime, ce qui correspond à 1/3 des déclarations douanières. Cette part est énorme, d’après les experts, par rapport aux moyennes internationales.
Car, cette admission temporaire doit être adoptée et avec des parts élevées dans des pays, dont les territoires voisins (pays) n’ont pas accès à la mer (impossibilité de transport maritime). Or les pays voisins de la Tunisie ont tous accès à la mer.
L’étude a constaté que cette évasion douanière a de grands impacts négatifs sur l’économie et la croissance en Tunisie, d’autant plus que les importations représentent 50% du PIB et offre 25% des recettes fiscales du pays. Le danger est encore grave puisque cette évasion concerne, notamment, les marchandises soumises à des tarifs douaniers très élevés.
Toutefois, le problème ne réside pas dans le Code de la douane, note l’étude, mais dans son application et l’effectivité de ses lois et aussi dans le grand nombre d’exceptions qu’il contient.
Un contrôle renforcé est, ainsi, recommandé par les auteurs de l’étude (Bob Rijkers et Gael Raballand), surtout sur les entreprises qui exploitent le régime d’admission temporaire.
Il faut aussi, selon eux, dématérialiser les transactions en faveur de moins de contact humain au sein de la douane peut aider à réduire les tentatives et les pratiques de corruption.