Allemagne : peu rentable et fragilisé, le secteur bancaire en quête d’avenir

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ésident de la fédération allemande des banques privées (BdB), le 27 janvier 2014 à Munich (Photo : Sven Hoppe)

[18/05/2015 05:51:20] Francfort (AFP) Peu rentable et fragilisé par l’environnement de faibles taux d’intérêts, le secteur bancaire allemand, colosse de près de 1.800 établissements, cherche à repenser son modèle alors que l’union bancaire en marche en Europe menace ses équilibres traditionnels.

“Il est indéniable que le secteur bancaire en Allemagne est trop peu rentable par rapport aux standards internationaux”, souligne pour l’AFP Michael Kemmer, président de la fédération allemande des banques privées (BdB).

Dans les rapports de l’OCDE ou de la Commission européenne sur l’Allemagne, par ailleurs élogieux, le secteur financier est souvent montré du doigt pour ses maigres performances.

A fin 2013, et malgré de gros efforts de recapitalisation, la rentabilité des fonds propres plafonnait à 1,3% en Allemagne, loin derrière la Grande-Bretagne (2,2%), l’Espagne (5,8%) ou la France (6%), selon les chiffres de la fédération bancaire européenne (EBF).

Avec une banque pour 45.000 habitants, “il y a un phénomène de surbancarisation en Allemagne, qui aboutit à une très forte concurrence”, explique M. Kemmer.

Comme leurs consoeurs européennes, les banques allemandes souffrent des très faibles taux d’intérêts, du poids croissant de la réglementation et de la concurrence de nouveaux acteurs du monde numérique.

Pour ne rien arranger, une vague de scandales et de litiges ont fortement dégradé leurs finances et leur image. La plus grande, Deutsche Bank, va de procès en amendes. Et se prépare à une énième cure d’amaigrissement pour rattraper l’avance de ses rivales anglo-saxonnes.

– Banque de proximité –

Hostiles à l’image du banquier sans scrupules aux bonus juteux, les Allemands privilégient la banque de proximité, qui finance l’entreprise familiale et fait fructifier les économies du petit épargnant. Longtemps a prévalu le principe “une entreprise, un banquier à vie”.

Le modèle allemand “a prouvé sa valeur pendant la crise. A la différence d’autres pays, il n’y a pas eu d’assèchement du crédit en Allemagne”, défend Gunter Dunkel, président de la fédération des banques publiques.

Organisée autour de trois piliers — privé, public et mutualiste –, l’industrie bancaire compte quelque 1.780 instituts, le tiers du total de la zone euro et le quart de l’Union européenne.

Les banques privées ne représentent que 36% du total des actifs bancaires allemands. Le reste se répartit entre une poignée de banques publiques régionales, sorties très éprouvées de la crise financière, des caisses d’épargne souvent municipales et un vaste archipel de petites banques coopératives locales.

“Le secteur bancaire allemand, très fermé et isolé, n’a pas d’équivalent en Europe. Dans la vision allemande, il n’a pas vocation à être compétitif mais à être au service de l’économie, d’où un lien très fort entre la finance et les milieux politiques”, explique Nicolas Véron, chercheur à l’institut bruxellois Bruegel et au Peterson Institute de Washington.

De nombreux élus locaux siègent au conseil de surveillance des banques publiques régionales, les “Landesbanken”, ou jouent un rôle de premier plan dans la direction des caisses d’épargne, qui bénéficent d’aménagements réglementaires spécifiques.

– Consolidation inévitable –

Berlin se met régulièrement en travers du durcissement de la règlementation financière européenne, inadaptée selon lui aux particularités du modèle bancaire allemand, et exige que ses plus petites banques soient exemptées de certaines obligations.

“Il y a fort à parier que les tensions vont se renforcer entre ce secteur très corporatiste et l’approche uniformisée” qui s’impose au niveau européen, ajoute M. Véron.

Depuis novembre, 21 établissements allemands de première importance sont contrôlés par la jeune autorité européenne de supervision, colonne vertébrale de l’union bancaire européenne en marche, qui promet de mettre à rude épreuve les modèles économiques les plus fragiles.

La Bundesbank incite les banques à “diversifier leurs sources de revenus”, explique à l’AFP Andreas Dombret, membre du directoire de la banque centrale. Les revenus d’intérêts représentent deux tiers du bénéfice d’exploitation des banques allemandes, un facteur de vulnérabilité en ces temps de taux bas.

Martin Hellmich, professeur à la Frankfurt School of Finance estime toutefois “inévitable” une nouvelle consolidarion du secteur, alors que le nombre de banques en Allemagne a déjà diminué de moitié depuis les années 90. Mais “les milieux politiques risquent de représenter un facteur de résistance très fort”.