Grande-Bretagne : une lueur d’espoir pour les pubs, monument national en péril

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évrier 2015 (Photo : Leon Neal)

[19/05/2015 08:59:33] Londres (AFP) Tous les jours, quatre pubs mettent la clé sous la porte au Royaume-Uni. Les défenseurs du monument en péril misent sur une nouvelle loi et l’essor des micro-brasseries pour arrêter l’hémorragie.

Véritable institution nationale aux côtés de la reine et du “fish and chips”, le pub a beaucoup souffert ces dernières années, confronté à la rude concurrence des supermarchés, l’interdiction de fumer dans les lieux publics et une chute de la consommation d’alcool de l’ordre de 18% depuis 2004, grâce aux campagnes de prévention.

Lorsqu’on arpente les centres-villes d’Angleterre, d’Écosse ou du Pays de Galles un samedi soir et qu’on voit la foule des soiffards déborder partout sur les trottoirs, on peut en douter. Et pourtant. “Jamais, les pubs n’ont été aussi menacés”, affirme une association de défense des pubs, la “Campaign for Real Ale”, qui calcule que 29 établissements ferment pour de bon chaque semaine.

Face à cette érosion, les “public houses” (le nom complet des pubs, qui signifie “tavernes”) essayent de lutter tant bien que mal, en se reconvertissant notamment en “gastro-pubs” pour proposer une cuisine qui ne saurait plus se limiter à la traditionnelle saucisse trop grasse.

Le véritable espoir est né d’une nouvelle loi entrée en vigueur en mars, après une longue mobilisation des partisans d’un tel texte : elle met fin à un système vieux de 400 ans qui voulait qu’en échange d’un loyer réduit accordé par les grandes entreprises propriétaires de pubs, les tenanciers des établissements s’engageaient à acheter leurs bières à des tarifs supérieurs à ceux du marché.

La formule permettait certes d’ouvrir un pub avec une mise de départ dix fois inférieure à la norme, soit environ 20.000 livres contre 250.000 livres normalement, explique à l’AFP Brigid Simmonds, la présidente de la “British Beer&Pub Association”.

Mais à terme, le gérant, étranglé par le coût prohibitif de la bière, était perdant, et en fin de compte le consommateur aussi. Sans compter l’effet d’uniformisation entraîné par un système de chaîne qui ne dit pas son nom, où la plupart des pubs proposaient souvent les mêmes bières et la même nourriture.

– “Une vinification de la bière” –

Simon Clarke, cogérant du “Eagle Ale House” dans le sud de Londres, estime que la nouvelle loi, adoptée au Parlement malgré l’opposition du Premier ministre David Cameron, va permettre de diversifier et d’améliorer son offre.

“Beaucoup de gens ont perdu leur pub mais ont continué à se battre pour ce changement”, dit-il à l’AFP. La bataille a duré sept ans.

Les pubs ont désormais retrouvé la liberté d’acheter leur bière et de nombreuses micro-brasseries, une activité en plein essor en Grande-Bretagne comme dans d’autres pays d’Europe, se sont engouffrées dans la brèche pour écouler leurs produits.

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à Bermondsey dans le sud de Londres le 16 février 2015 (Photo : Leon Neal)

A Bermondsey par exemple, un quartier en vogue dans le sud-est de Londres, des entrepreneurs surfent sur cette mode en transformant de vieux locaux désaffectés.

C’est là aussi que Wilf Horsfall a cofondé “UBrew”, une brasserie qui met ses équipements à la disposition des brasseurs de toute taille.

“Londres avait une réputation culinaire affreuse il y a vingt ans mais aujourd’hui c’est devenu l’une des villes où l’on mange le mieux en Europe. Je pense que la bière prend le même chemin”, souligne-t-il.

“Les gens boivent plus pour leur plaisir, le facteur alcool fait partie de la fête mais ce n’est pas une fin en soi. On assiste à une +vinification+ de la bière : cette manière de parler des différents crus, des différents cépages, se transpose désormais à la bière”, ajoute-t-il.

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évrier 2015 à Bermondsey dans le sud de Londres (Photo : Leon Neal)

Pour Roger Protz, journaliste spécialisé dans la bière et les pubs, la tendance des micro-brasseries est essentiellement une réaction contre l’empire des multinationales.

“Pendant trop longtemps, dit-il, on a bu des bières industrielles brassées par des géants mondiaux pour leur seul profit. Aujourd’hui, les gens recherchent autre chose et ça s’appelle le goût.”