ôtel de luxe et de sa piscine abandonnés des touristes, le 8 mai 2015 à Djerba (Photo : FETHI BELAID) |
[19/05/2015 08:42:57] Djerba (Tunisie) (AFP) Malgré un temps idéal, les transats restent désespérément vides au bord de la piscine de cet hôtel quatre étoiles de Djerba, victime comme bien d’autres en Tunisie de la désaffection des touristes depuis l’attentat du Bardo il y a deux mois.
“C’est mort. C’est fini pour cette année”, lâche Adel Tarres, le directeur de cet établissement situé dans la zone touristique de l’île du sud tunisien.
L’hôtel est d’ordinaire très fréquenté au printemps puis en été, notamment par des touristes italiens. Cette année, la saison s’annonçait même “parfaite” selon l’hôtelier, qui dit avoir spécialement recruté 25 personnes.
C’était sans compter le sanglant attentat revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI) qui a frappé le 18 mars le prestigieux musée du Bardo, à Tunis, tuant 21 touristes étrangers et un policier tunisien.
Aussitôt, le tour-opérateur italien qui avait réservé ses 170 chambres du 1er mai à fin octobre résilie le contrat, une perte estimée à 1,4 million d’euros. “Les répercussions de l’attaque ont été très lourdes”, résume M. Tarres.
Le tourisme, qui représente environ 7% du PIB de la Tunisie et près de 400.000 emplois directs et indirects, était déjà très affecté par les crises politiques à répétition et l’essor de la mouvance jihadiste qui ont suivi la révolution de janvier 2011.
éjourne dans un hôtel de Djerba quasiment vide, le 8 mai 2015 (Photo : FETHI BELAID) |
Rien qu’à Djerba, une trentaine d’établissements ont fermé en raison du désintérêt des touristes depuis quatre ans, indique à l’AFP Farhat Ben Tanfous, le secrétaire général de la Fédération régionale de l?hôtellerie.
“Les quatre dernières années ont été très mouvementées. Nous avons eu beaucoup de ministres du Tourisme et beaucoup de gouvernements, donc une forte instabilité politique, ce qui n’a pas permis de travailler sur le long terme”, explique M. Ben Tanfous. L’attaque du Bardo “a encore aggravé la situation”.
Dès lors, la saison estivale, qui représente de 60 à 70% du chiffre d’affaires annuel du tourisme, “s’annonce mauvaise. Espérons qu’elle ne soit pas catastrophique”, prie le président de la Fédération, Jalel Henchiri.
– ‘Ils préfèrent ne pas quitter l’hôtel’ –
M. Ben Tanfous espère que les dégâts se limiteront à une baisse de 5% par rapport aux chiffres de l’année dernière, qui étaient déjà en-deçà des attentes.
“Cela nous permettrait au moins d?avoir un espoir pour les années (suivantes). Je pense qu?il ne faut pas parler de cette année et de 2016, plutôt d?une stratégie pour remonter la pente”, ajoute-t-il.
Car avant même les évènements du Bardo, les statistiques étaient décevantes. Pour le premier trimestre 2015, les recettes touristiques étaient en baisse de 6,8% par rapport à la même période en 2014, et les nuitées de 10,7%.
Pourtant, à Djerba, assure M. Ben Tanfous, des efforts ont été déployés pour résoudre notamment le problème de la gestion des ordures, dont s’étaient plaint habitants et professionnels l’an dernier. Et la sécurité a été renforcée sur l’île en prévision de la saison touristique.
Mais dans les souks, les commerçants doutent que ces mesures suffisent à attirer le chaland.
“Le peu de touristes qui est à Djerba a peur après ce qui s’est passé au Bardo, ils préfèrent ne pas quitter l’hôtel. Depuis 2011, aucune année n’est meilleure que la précédente, mais cette année est la pire”, soupire Yassine Ben Othmane, un artisan du cuir.
“Dire que j’ai peur d’être ici est un peu fort”, témoigne Renata Payer, une touriste australienne. “Je dirais plutôt que je ne suis pas libre de mes déplacements puisque j’ai évité par mesure de sécurité de louer une voiture et que j’ai préféré être accompagnée par des amis”.
Reste à savoir si la campagne de publicité lancée par les autorités tunisiennes, notamment sur les réseaux sociaux, pour encourager les touristes à revenir portera ses fruits.
“Si on continue à ce rythme, je vais être obligé de changer de métier. Le tourisme ne fait plus vivre”, se désespère Ibrahim Zagdid, qui vend des vêtements traditionnels.