«Vous, il faudrait qu’on vous donne une entreprise à gérer». C’est par cette boutade, lancée sur le mode de la plaisanterie, que Radhi Meddeb a mis un terme à un long échange –infructueux- concernant les entraves à l’investissement tunisien à l’étranger, entre Faïza Fekih, directeur général des opérations de change, et un groupe d’opérateurs privés dont les entreprises sont actives à l’étranger.
L’échange, assez vif, a eu lieu lors de la conférence sur le financement des petites et moyennes entreprises, organisée dernièrement par la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) et la Bourse des valeurs mobilières de Tunis.
Tous les chefs d’entreprise appelés à témoigner de leurs expériences ont été unanimes pour se plaindre des difficultés rencontrées dans le financement de leurs investissements à l’étranger.
C’est en Mauritanie que le groupe Bouzguenda, actif principalement dans le BTP, a réalisé son premier marché hors de Tunisie. Selon Ahmed Bouzguenda, pdg du groupe, «ce qui pose problème ce n’est pas la création mais le financement d’une activité à l’étranger».
Une réglementation désuète…
«Nous n’avons pas d’accompagnement au niveau de l’exportation, pas de facilités de caisse ni de crédits moyen terme, car les banques dans les pays où nous opérons demandent une caution qu’il n’est pas facile d’obtenir en Tunisie. La règlementation en la matière est désuète et constitue un handicap», se plaint M. Bouzguenda. Ce problème, le groupe Bouzguenda s’y est trouvé confronté notamment en Mauritanie et au Maroc.
En Mauritanie, ce groupe, qui avait des devises en Tunisie qu’il ne pouvait pas utiliser pour des paiements dans ce pays en rapport avec un marché, a proposé à la BCT de procéder à une compensation avec Tunisair qui y disposait alors d’Ouguiya (la monnaie mauritanienne) pour résoudre ce problème. Finalement, il a dû se débrouiller autrement, car cette solution n’a pas été possible à mettre en place.
Au Maroc, le casse-tête a pu être réglé grâce à la caution morale obtenue par le groupe Bouzguenda par sa banque tunisienne, Attijari Bank, intervenue en sa faveur auprès d’une banque appartenant au même groupe, Attijariwafabank.
C’est également un vrai petit miracle qu’est en train de réussir Servicom. En effet, ce groupe, dirigé par Majdi Zarkouna, a entamé son internationalisation en 2009 par la Libye –en y créant une société opérant dans le chauffage et la climatisation- et l’a ensuite poursuivi au Maroc (2011), en France (2012) et en Algérie (2013). Et tout cela, le groupe a dû le faire sur ses fonds propres. «Aujourd’hui, ça va mieux», se félicite Mehdi Zarkouna. Car, avec le temps, le groupe commence à être connu par les banques dans les pays où il opère.
Pas de solution à l’horizon…
Ayant capté cette «demande d’assouplissement des formalités» en matière d’investissements, de crédits de gestion aux filiales et d’autorisation préalable pour l’acquisition, par exemple, d’équipements à l’étranger», Faïza Fekih, directeur général des Opérations de change à la BCT, a reconnu que «le plafond de 3 millions de dinars, significatif il y a quelques années, ne l’est plus aujourd’hui». Toutefois, elle n’a pas laissé d’entrevoir de possibilité d’amélioration du dispositif. Même pas pour permettre aux entreprises d’utiliser leurs propres devises.
«La législation est ce qu’elle est. On ne peut pas dire qu’elle est idéale, mais mise dans le contexte de la Tunisie, qui n’a pas tous les fondamentaux pour tout libérer, on ne peut que suivre le courant», décrète la responsable des opérations de change à la BCT. Car «nous sommes les gardiens du temple; nous gérons la rareté des devises et devons trouver le bon équilibre». Un exercice selon elle tout aussi difficile que le fait de trouver un financement à la filiale d’une société ou d’un groupe tunisien à l’étranger. C’est pour cette raison qu’à la boutade-défi lancée par Radhi Meddeb, elle répond par une invitation au patron du groupe Comete Engineering à «venir à la BCT» pour mieux comprendre la difficulté de la tâche de la «mère» des banques.