Gaza, sous blocus, développe des applications pour le monde entier

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à Gaza, le 18 avril 2015 (Photo : MAHMUD HAMS)

[20/05/2015 10:13:52] Gaza (Territoires palestiniens) (AFP) Ils sont des dizaines, les yeux rivés sur leurs écrans, à pianoter, cliquer, coder: ici, partent et arrivent des informations des quatre coins du globe. Rien d’inhabituel pour des informaticiens, mais ceux-là travaillent dans la bande de Gaza, totalement coupée du monde.

“Ici, on ouvre une brèche dans le blocus et on montre que les Gazaouis sont capables de réaliser de grandes choses”, affirme, enthousiaste, Saady Lozon, 33 ans et cofondateur de Unit One, petite entreprise gazaouie qui commence à devenir grande.

En 2005, il lançait avec un autre ingénieur informatique “une petite start-up, coincée dans une salle minuscule” de la bande de Gaza, où comme dans l’ensemble des Territoires occupés il n’existe pas de réseau 3G palestinien.

Dix ans plus tard, ils emploient près d’une centaine de personnes, en majorité des jeunes femmes, et ont décroché des contrats pour développer des programmes informatiques et des applications pour smartphones dans le Golfe et en Europe.

– ‘Du commerce, pas des aides’ –

“A Gaza, on n’a ni pétrole ni gaz, mais on a des ressources humaines: plein de jeunes qui attendent seulement qu’on leur offre une opportunité”, assure Saady en déambulant au milieu de rangées de jeunes femmes qui entrent des données dans leurs ordinateurs.

Recruter des femmes, c’est “une responsabilité sociale”, assure l’entrepreneur au look décontracté. Et le prochain objectif qu’il s’est fixé, c’est engager des personnes handicapées. Avec les trois offensives israéliennes à Gaza ces six dernières années, des centaines de Palestiniens ont en effet été blessés et amputés.

Mais, insiste Saady, “Gaza, ça n’est pas que la guerre, le sang, les bombes. Les Gazaouis veulent faire du commerce, pas recevoir des aides humanitaires”. La preuve, dit-il, quand il a lancé un appel à candidatures pour dix postes, il y a eu “400 postulantes”.

Aujourd’hui encore, une jeune femme pousse la porte de son entreprise sur les conseils de son université. A 21 ans, Sadine al-Ayoubi doit décrocher dans quelques mois son diplôme mais elle préfère prendre les devants pour échapper au chômage qui touche plus de deux tiers des jeunes Gazaouis.

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à Gaza, le 18 avril 2015 (Photo : MAHMUD HAMS)

“La plupart des jeunes sont diplômés mais ne trouvent jamais de travail”, dit cette Palestinienne apprêtée, smartphone recouvert d’une coque en strass à la main.

Pour Lina, 23 ans dont trois chez Unit One, la faute en revient à “la situation politique et économique”, en référence au blocus israélien et aux guerres à répétition dans l’enclave aux mains du mouvement islamiste Hamas.

Car la dernière offensive israélienne, l’été dernier, a achevé de mettre à genoux l’économie gazaouie, la plus instable du monde selon la Banque mondiale, en recul de 15% en 2014.

Près de 130 entreprises et ateliers ont notamment été rasés, selon la Fédération palestinienne de l’industrie.

– Sortir grâce à Internet –

Pour Chorouq al-Moughrabi, une jeune collègue de Lina, c’est difficile “surtout pour les filles” car “tous les métiers ne sont pas convenables pour les filles dans notre société”, où les femmes ne représentent que 20% de la population active.

Dans la pièce d’à côté, Mohammed el-Banna, 27 ans, développe des programmes informatiques. Coincé dans l’enclave comme 1,8 million d’autres Palestiniens –bloqué au nord par le check-point des Israéliens et au sud par la frontière égyptienne fermée par Le Caire–, il s’est tourné vers internet car “c’est le seul canal que les juifs ne peuvent pas nous couper”.

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à Gaza, le 18 avril 2015 (Photo : MAHMUD HAMS)

A Unit One, si le contact avec l’extérieur n’a jamais été coupé, l’électricité en revanche l’est tous les jours, pour de longues heures. Il a donc fallu investir dans un solide équipement en batteries et en générateurs pour gérer à temps les commandes.

“Même pendant la guerre, on a continué à travailler certains jours”, affirme Saady. C’est sa façon à lui de rassurer des clients “parfois réticents à l’idée de signer des contrats avec une entreprise dans un territoire en guerre”.

Des clients qu’il n’a pour beaucoup jamais pu rencontrer ou qu’il a vu parfois seulement sur Skype.