Jalloul Ayed, ancien ministre tunisien des Finances, en compagnie de huit autres, est candidat à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), dont l’élection a lieu le 28 mai à Abidjan.
Comme nous l’avons souligné à maintes reprises, sur le papier (CV et expérience), Jalloul Ayed est au-dessus du lot. Ensuite, son profil sied parfaitement aux nouvelles orientations de la Banque.
Toutefois, comme dans toutes les organisations internationales, notamment en Afrique, le “profil“ seulement n’est pas suffisant. Le poids politique du pays, autrement la dimension de sa diplomatie, constitue un avantage important. Or en la matière, la Tunisie de toujours, notamment celle de 2015, ne pèse pas lourd dans la balance africaine.
Pas de politique africaine…
En effet, ne nous voilons pas la face, depuis son accession à l’indépendance, la Tunisie n’a pas jamais eu une “politique africaine“, à la différence des autres pays d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Libye et Egypte). La preuve? Combien de pays subsahariens Bourguiba avait-il visités pendant son règne? Idem pour Ben Ali. Même chose quant aux relations économiques entre la Tunisie et l’Afrique subsaharienne.
Tout ceci pour dire que nous Tunisiens avons toujours considéré l’Afrique et les Africains comme une quantité négligeable. Aujourd’hui vu que l’Europe devient de plus en plus inaccessible, on se tourne vers les pays africains. Il n’est jamais trop tard, mais la tâche risque d’être colossale.
Revenons maintenant sur l’élection à la présidence de la BAD. Eu égard à ce qu’on vient d’avancer, Jalloul Ayed compte beaucoup d’amis et de réseaux –en Afrique et dans le monde-, mais cela risque de ne pas suffire, et ce justement compte tenu du poids de “l’électorat“ des pays africains.
Intérêts économiques…
Et il y a plusieurs raisons (indirectes). D’abord, sur le plan purement économique, la Tunisie ne pèse pas lourd. En effet, même les pays supposés culturellement proches de notre pays pourraient “sacrifier“ le candidat tunisien sur l’autel des intérêts économiques. Plus concrètement, prenons un pays du Golfe persique qui ambitionne d’investir en Afrique de l’Ouest, va-t-il soutenir Jalloul Ayed aux dépens des candidats de cette sous-région (qui sont au nombre de trois, une Cap-verdienne, un Malien et un Nigérian)? La Chine, autre pays non de la BAD, qui a élevé l’Afrique au rang de sa nouvelle cible d’expansion économique, va-t-elle voter Jalloul Ayed contre les autres candidats? Les votes de la Libye, de l’Egypte et même du Maroc ne sont pas non plus assurés. D’ailleurs concernant ce dernier, le Maroc, si on prend en considération ses relations politiques et économiques avec l’Afrique subsaharienne, il a beaucoup à perdre en soutenant le candidat tunisien… Et on pourrait multiplier à l’infini ces exemples.
Ils sont racistes…
Ensuite, ne négligeons pas le “fossé psychologique“ qui existe entre l’Afrique noire et l’Afrique blanche. Ceci expliquant sans doute cela, les Tunisiens sont vus par beaucoup d’Africains du Sud du Sahara comme foncièrement racistes –malheureusement un sentiment que nous feignons d’ignorer. C’est-à-dire que les Tunisiens se considèrent comme “SUPERIEURS”. Il n’y a pas plus blessant que cela pour une personne.
Ensuite, à supposer que notre candidat dépasse toutes les étapes jusqu’à la finale, mais qu’il se retrouve avec la seule femme candidate… Là aussi il y aurait danger, étant donné que la BAD, depuis sa création en 1964, n’a jamais porté une femme à sa présidence.
Soutien politique tardif…
Mais selon nos informations recueillies auprès des sources au sein de la Banque africaine de développement à Abidjan, le soutien politique “officiel” à la candidature de Jalloul Ayed est jugé trop tardif, et ce indépendamment de sa campagne personnelle. rappelons dans le même ordre d’idées que l’envoyé spécial de Béji Caid Essebsi auprès de son homologue ivoirien n’a été reçu que le 23 avril 2015, c’est-à-dire un mois à peine avant avant l’élection.
En outre, on nous a expliqué que la candidate du Cap Vert s’est constituée un véritable réseau au sein de l’institution africaine, avec tout ce que cela suppose comme informations…
Autant dire que Jalloul Ayed, dans sa course pour la présidence de la Banque africaine de développement, part quelque part handicapé par tous ces éléments “négatifs“ que nous venons d’évoquer, et bien d’autres du reste.
Bien entendu, nous souhaitons que ces éléments n’entrent pas en ligne de compte, et que la BAD ait donc à sa tête la personne capable de lui faire sauter un nouveau palier d’excellence.