à Madrid (Photo : Gerard Julien) |
[22/05/2015 08:08:11] Paris (AFP) Eclusiers, sténos, rémouleurs, pompistes ou poinçonneurs ont disparu depuis longtemps. Aujourd’hui des caissières et conducteurs de métro sont remplacés par des machines. Demain les juristes? Une évolution accélérée par les nouvelles technologies, qui créent aussi de nouvelles activités.
Plusieurs études (université d’Oxford, MIT) convergent à dire qu’environ 50% des métiers seront automatisables d’ici 20 ans. 42% en France, selon le cabinet Roland Berger pour qui les outils numériques pourraient détruire 3 millions d’emplois d’ici 2025.
La plupart des secteurs seraient touchés, y compris les services et professions “intellectuelles”, “qu’on croyait préservés”: fonctions administratives et d’encadrement, juristes.
Cette “troisième révolution industrielle”, digitale, après la vapeur et le moteur à explosion, a commencé avec l’essor d’internet dans les années 2000, explique le cabinet qui n’a toutefois mesuré que la perte “brute” d’emplois, sans quantifier les effets des gains de productivité et les nouvelles activités créées.
Or “tout l’enjeu” repose sur la capacité de l’économie à produire ces nouvelles tâches.
Le gouvernement mise clairement sur cet effet. “Le robot n’est pas l’ennemi de l’emploi”, c’est une “fausse idée”, a insisté le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, en présentant lundi son plan pour l’industrie.
La France a selon lui “raté dans les années 90 la vague d’investissements dans la robotisation. On se retrouve aujourd’hui avec cinq fois moins de robots en France qu’en Allemagne”.
Faute de données, il n’existe pas de consensus sur l’impact net en termes d’emplois. Parmi 1.900 experts du secteur des nouvelles technologies interrogés par le centre de recherche américain Pew, 48% voient une balance négative et 52% pensent qu’elle sera positive car il faudra créer et entretenir les équipements de demain.
– Un robot, deux jobs –
Chez Stivent, PME de 28 salariés en Poitou-Charentes, l’arrivée en octobre 2014 d’un robot, couplée à une réorganisation de la production, a permis de créer deux emplois. “On est plus rapides pour répondre aux commandes”, explique à l’AFP Philippe Becel, son dirigeant. “Là où il fallait une semaine pour faire 40 pièces à trois personnes, le robot les fait en deux jours”. A lui, les “tâches répétitives et peu valorisantes”. L’ouvrier libéré est devenu son “programmateur”. Le coût de l’engin, plus de 260.000 euros, représente “1 fois et demi” le bénéfice annuel, mais le patron espère un retour sur investissement avant cinq ans.
Le Syndicat des machines et technologies de production (Symop), qui a accompagné la PME, assure que dans toutes les entreprises suivies depuis deux ans ayant un robot, “il y a eu maintien, sinon création d’emplois”.
“Un robot, c’est pour faire plus et mieux”, explique Jean Tournoux, délégué général du Symop. La robotisation “agrandit” en outre les tâches des salariés, “ce qui implique une élévation du niveau”.
Dans l’industrie du verre, “l’opérateur machine” est passé “de simples opérations de manutention” aux “commandes d’un ordinateur”, confirme Mohammed Oussedik, chargé des questions industrielles à la CGT, pour qui “il n’y a pas de débat sur les bienfaits” en terme de productivité.
Il relativise le rôle de l’automatisation dans les pertes d’emplois peu qualifiés depuis 30 ans dans certains secteurs: le textile, où ils ont été divisés par 14, mais aussi le bois, l’agriculture, le BTP. Dans l’industrie, “l’essentiel des pertes vient du fait que beaucoup de métiers ont été externalisés vers les services”, de la mondialisation et d’un retard d’investissements.
“La plupart des métiers disparus ou en voie de disparition passaient par une pratique manuelle qui a été dévalorisée socialement”, explique à l’AFP l’historien Julien Arbois. Certaines “pratiques sociales” ont aussi périclité. Le cardeur, qui raccommodait les matelas de laine de nos ancêtres, a été évincé par “les matelas à ressort industrialisés et +jetables+”.
La révolution numérique a “accéléré le processus” mais a aussi “favorisé la création de nouveaux métiers: webdesigners, community managers, créateurs de jeux en flash ou traiteurs de métadonnées”, des professions inconnues il y a une quinzaine d?années, relève-t-il.
“Le phénomène est inéluctable”. Dans l’avenir, “s?ils ne vont pas complètement disparaître”, caissiers ou contrôleurs “vont voir leur nombre baisser fortement”.
Mais, certains métiers peuvent aussi faire des retours inattendus: c’est le cas des livreurs de lait qui “refont peu à peu leur apparition dans certaines régions françaises”.