émocrate Andrea Nahles pendant les débats à la chambre basse du Parlement, le 22 mai 2015 (Photo : TOBIAS SCHWARZ) |
[22/05/2015 12:19:20] Berlin (AFP) L’Allemagne s’est dotée vendredi d’une loi controversée, destinée à encadrer la représentativité syndicale afin de juguler les conflits sociaux qui se sont multipliés ces derniers mois, à l’appel de syndicats catégoriels.
Au lendemain d’un énième conflit au sein de la compagnie ferroviaire publique Deutsche Bahn, le Bundestag, la chambre basse du Parlement, a adopté cette loi dite de “l’unité tarifaire” à une large majorité (444 voix pour, 126 contre, 16 abstentions, selon des chiffres corrigés par le Bundestag).
Le texte pourrait entrer en vigueur au plus tôt le 1er juillet.
Défendu par la ministre du Travail, la social-démocrate Andrea Nahles, il impose au sein des entreprises le principe “une entreprise, un accord salarial”. “Cette loi renforce les fondements de la représentativité syndicale”, a lancé la ministre aux députés.
Objectif : empêcher la multiplication des accords au sein des entreprises en mettant fin à la surenchère entre centrales syndicales, petites et grandes, susceptible de déboucher sur des grèves à répétition.
Désormais, en cas de désaccord entre syndicats lors de négociations dans une entreprises, c’est le texte présenté par la centrale disposant du plus grand nombre de salariés qui sera appliqué.
Selon un sondage publié vendredi pour la chaîne publique ZDF, 48% des personnes interrogées sont favorables à cette loi, contre 38% qui y sont opposées.
Salué aussi par les milieux patronaux, le texte est au contraire très critiqué par l’opposition formée par la gauche radicale de Die Linke et par les Verts, ultraminoritaires au Bundestag, qui y voient une atteinte au droit de grève.
Les petits syndicats redoutent quant à eux que ce texte ne menace leur survie. Des plaintes sur la constitutionnalité de cette loi en regard du droit de grève ont été annoncées.
– ‘Un jour noir’ –
“Aujourd’hui est un jour noir pour la liberté en Allemagne”, a réagi dans un communiqué le président du syndicat des pilotes de la Lufthansa Cockpit, Ilja Schulz, pour qui “les syndicats minoritaires se voient retirer leur droit fondamental de grève”.
Devant les députés, Mme Nahles a réfuté ces critiques, arguant que son texte “conservait” le droit de grève.
Quant à l’idée que le gouvernement de coalition SPD-conservateurs d’Angela Merkel veuille museler les petits syndicats, elle “n’a aucun fondement”, a-t-elle balayé.
Traditionnellement, “l’unité tarifaire” était la règle en Allemagne, pays habitué à ce que les syndicats de branche géants, comme Verdi (services) ou IG Metall (industrie) négocient les accords.
Mais, depuis 2010, à la suite d’un jugement du tribunal du travail fédéral qui a rendu possible la concurrence entre organisations syndicales dans une même entreprise, d’autres petits poucets ont donné de la voix, comme le syndicat des conducteurs de trains GDL, qui multiplie les grèves à Deutsche Bahn (neuf depuis septembre).
La loi adoptée vendredi est justement surnommée “Lex-GDL” et viserait, selon ses détracteurs, les petites organisations très actives sur le front syndical et capables de bloquer des entreprises entières, à l’image du “petit” GDL, qui rassemble chez Deutsche Bahn 19.000 adhérents sur les 196.000 employés que compte l’entreprise publique.
GDL réclame principalement une modification des règles de représentativité au sein de la Bahn afin de pouvoir parler au nom des catégories de salariés déjà représentés par une centrale concurrente, EVG qui pèse, elle, 140.000 adhérents.
La direction refuse et ce bras de fer à trois bras a engendré une kyrielle de grèves, toutes lancées par GDL.
Outre Deutsche Bahn, l’Allemagne a connu ces derniers mois plusieurs autres conflits sociaux : négociations salariales mouvementées chez Deutsche Post, grèves dans les jardins d’enfants…
Ou encore le conflit mené par le syndicat des pilotes Cockpit chez le géant de l’aviation Lufthansa, dont les avions ont été régulièrement cloués au sol par les arrêts de travail des pilotes (5.400 sur un total de 110.000 salariés) pour des revendications de salaires et de départ en pré-retraites spécifiques.