ésident de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi à Wasington DC, le 18 avril 2015 (Photo : Nicholas Kamm) |
[22/05/2015 13:22:15] Sintra (Portugal) (AFP) Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a lancé vendredi la balle aux gouvernements pour renforcer la reprise économique avec des réformes, alors que l’action de son institution n’est elle-même pas exempte de critiques.
“Être au début d’une reprise cyclique n’est pas une raison pour repousser les réformes structurelles, c’est en fait une opportunité pour les accélérer”, a déclaré le président de la BCE, à Sintra, non loin de Lisbonne.
“Plus tôt elles auront lieu, mieux ce sera”, a insisté M. Draghi à l’occasion d’un forum de banquiers centraux et d’économistes organisé jusqu’à samedi par la BCE, qualifiant ces réformes de “vitales maintenant pour la zone euro”.
Ces réformes de fond notamment du marché du travail “peuvent dégager un potentiel inexploité d’importants gains de production, d’emplois et de bien-être et (…) cela jouerait un rôle crucial pour assurer que l’actuelle reprise cyclique se renforce”, a également argumenté le banquier central.
Cet appel n’est pas nouveau — Mario Draghi le répète à chaque conférence de presse depuis son entrée en fonction en 2011 — mais là les conditions sont “presque parfaites” puisque “les perspectives économiques pour la zone euro sont aujourd’hui meilleures qu’elles ne l’ont été depuis sept longues années”, a-t-il jugé.
“Une reprise cyclique ne résout pas à elle seule tous les problèmes de l’Europe”, a-t-il immédiatement modéré. D’autant que, estimée à moins de 1% pour l’Europe, contre plus de 2% pour les Etats-Unis, “la croissance potentielle devrait rester bien en dessous des niveaux d’avant crise”, empêchant le chômage de véritablement passer sous les 10%.
S’il a loué les réformes de “plusieurs” pays, notamment du Portugal, Mario Draghi n’a ciblé aucun Etat ayant particulièrement urgence à faire des réformes, même si fort est à parier que la Grèce, qui lutte toujours pour éviter la faillite, fait partie du lot.
L’absence de réformes “renforcerait aussi la probabilité que nous ayons à utiliser de manière récurrente des outils de politique (monétaire) non conventionnelles pour remplir notre mandat”, à savoir assurer un niveau d’inflation non loin de 2% et une stabilité des prix, a considéré Mario Draghi.
– Nervosité des marchés –
Hors en la matière, la BCE a déjà abattu pas mal de cartes. Les taux d’intérêt sont proches de zéro depuis des mois et elle a lancé en mars un vaste programme de rachats d’actifs, baptisé “QE”, une mesure louée jeudi soir par le vice-président de la Réserve fédérale américaine (Fed) Stanley Fischer.
De premiers effets positifs ont été mis à son crédit, notamment le retour à une inflation nulle en zone euro en avril, après quatre mois de baisse des prix, et un raffermissement de la croissance.
Mais ses effets secondaires commencent à focaliser l’attention. Tout en s’attribuant un “satisfecit” pour le “QE”, Mario Draghi avait la semaine dernière à Washington souligné “qu’une période trop prolongée de très bas taux d’intérêt réels peut avoir des conséquences indésirables dans des sociétés vieillissantes”, qui comptent sur les intérêts pour alimenter leurs retraites.
Par ailleurs, les récents mouvements amples et nerveux des marchés financiers, qu’il s’agisse des marchés obligataires, boursiers ou des changes, ont beaucoup été mis à la charge de la BCE.
Mardi a donné un nouvel exemple de cette forte volatilité quand un discours d’un des responsables de la BCE, Benoît Coeuré, diffusé par erreur seulement le lendemain de son prononcé devant des acteurs de marché, a fait plonger l’euro. M. Coeuré y expliquait que la BCE allait acheter plus de titres en mai et juin et moins en juillet et août.
“Est-ce que la BCE tient encore la boutique?”, s’interrogeait vendredi Ulf Krauss, analyste chez Helaba, évoquant “un dur coup pour la réputation” de l’institution. Les analystes de Commerzbank se demandaient si “le marché se méfiait de la BCE”.
“Depuis l’annonce du QE, les investisseurs se sont excessivement concentrés sur le déséquilibre créé par les achats de la BCE”, regrette Luca Cazzulani, économiste de chez Unicredit.