Tunisie – Economie : Slim Chaker entre le marteau et l’enclume (2/2)

slim_chaker-23052015.jpg Slim Chaker n’a aucune peine à comprendre les récriminations des chefs d’entreprise pour la simple raison qu’il a été de l’autre côté de la barrière. «Je connais vos appréhensions et difficultés parce que je les ai vécues. Après avoir quitté le gouvernement en 2011, j’ai en effet été dans le privé et j’en ai vu de toutes les couleurs».

L’actuel ministre des Finances a en effet rejoint à l’époque le pôle santé du groupe Amen. Slim Chaker devait à l’époque créer une clinique à l’intérieur du pays et disposait pour cela d’un budget de 60 millions de dinars. Et ce faisant, il s’est trouvé confronté aux lourdeurs de l’administration. Lourdeurs auxquelles il fait face en tant que ministre des Finances. «L’Etat lui-même quand il investit en voit de toutes les couleurs», explique-t-il. Mais pas seulement.

Malgré l’argent mis par les pouvoirs publics -5,2 milliards de dinars en 2011 et 5,8 mds cette année- le taux de réalisation des projets ne dépasse pas les 50%, se plaint Slim Chaker. Et ce décalage entre prévisions et réalisations a plusieurs causes, selon le ministre.

D’abord, l’affaiblissement total de l’Etat. Slim Chaker trouve cela tout à fait normal lorsqu’on sait que «le pays a vu défiler six gouvernements depuis 2011. Comment voulez-vous que dans ces conditions les projets soient exécutés et les problèmes réglés?».

D’autant «qu’on a eu des gouvernements qui ne connaissent pas l’administration et même pas la Tunisie», critique le ministre des Finances. Et cela tombe mal, car aujourd’hui, «c’est le ministre qui est la locomotive et il ne peut pas l’être s’il ne sait pas comment agir et quand s’arrêter».

Selon le ministre des Finances, «ce qu’on voit à Tunis c’est rien du tout par rapport aux régions. Dans les régions c’est encore plus grave». La réalisation des projets y est entravée par les études qui «ne se font pas rapidement et ne vont pas au fond des choses», «l’expropriation qui devient impossible», en tout cas pas aussi facile «qu’avant le 14 janvier 2011», les administrations régionales qui «connaissent beaucoup de difficultés», le manque d’intérêt pour les appels d’offres et quand ceux-ci aboutissent «on met tellement de temps à octroyer le marché que les prix donnés (par l’adjudicataire) ne sont plus valables», les problèmes de sécurité qui découragent les entreprises d’aller «dans les régions chaudes où l’on a mis le plus d’argent», par le fait qu’«aujourd’hui on ne peut plus utiliser la force, du moins en premier, on y a recours en dernier et de toute façon on n’en a plus les moyens, etc.

Conséquence de tout cela: l’effet d’entraînement que les projets publics sont supposés avoir est ainsi bloqué. Et le ministre de se demander «comment remettre en marche l’économie du pays», en sachant que «l’argent a été mis et que c’est un problème d’exécution?». Selon M. Chaker, l’Etat «n’a plus le choix, il faut faire du PPP. Il est indispensable si nous voulons le développement rapide de nos régions de l’intérieur» et «ceux qui s’opposent au PPP ne veulent pas le développement de ces régions».

Mais tout en donnant raison aux chefs d’entreprise sur presque tout, le ministre des Finances se démarque d’eux en ce qui concerne l’administration. «C’est facile de tirer sur l’administration, mais c’est elle qui a permis au pays de tenir ces quatre dernières années et c’est elle qui a permis aux PME de se développer durant les 25 dernières années. Certes, elle fait cela non sans problèmes, mais elle le fait…».