ène (Photo : MARC PREEL) |
[27/05/2015 09:44:34] Pomacle (France) (AFP) Au coeur du pays champenois, c’est une mixture très éloignée du célèbre breuvage effervescent que concocte Global Bioenergies: à partir de sucre et de bactéries génétiquement modifiées, la start-up produit un gaz qui sera ensuite transformé en essence ou en matières plastiques.
Sa technologie, déjà éprouvée en laboratoire, est maintenant testée dans une installation pilote pré-industrielle. Sur le site de la bio-raffinerie de Pomacle-Bazancourt, à 15 km de Reims (Marne), la fermentation a lieu dans une cuve de 500 litres. A l’intérieur, du glucose ou du saccharose fourni par le groupe sucrier Cristal Union, et des bactéries dont on a “réécrit le logiciel” pour qu’elles transforment le sucre en un hydrocarbure gazeux, l’isobutène.
Le gaz issu de la fermentation part ensuite dans une unité de purification, qui élimine notamment l’acétone issu de la réaction pour isoler l’isobutène, une des briques essentielles de la pétrochimie. Ce gaz, d’habitude extrait du pétrole, permet après distillation de produire de l’essence, du kérosène ou des additifs du diesel et des lubrifiants. Certains de ses composants entrent aussi dans la fabrication du plexiglas, des caoutchoucs et des peintures acryliques.
“Ce pilote est fait pour produire des échantillons et prouver qu’on peut avoir un produit purifié”, a expliqué Antoine Genovesi, responsable du projet chez Global Bioenergies, au cours d’une présentation du site aux investisseurs et à la presse.
La semaine dernière, la société française a ainsi livré à Audi le premier lot d’essence obtenu à partir de son processus. Le groupe automobile allemand va désormais faire des tests avant de faire rouler des voitures avec cette essence bio-sourcée.
Contrairement aux bio-carburants classiques comme le bioéthanol, il s’agit en effet de la même molécule que celle produite par la pétrochimie. Elle peut donc être injectée dans les moteurs sans les modifier et sans limitation de pourcentage, a souligné Marc Delcourt, le PDG de Global Bioenergies.
Sur ce marché des biocarburants, qui bénéficie d’une forte incitation réglementaire en Europe – les carburants devront en intégrer 10% d’ici à 2020 -, la production à partir de matières végétales peut être compétitive face aux hydrocarbures fossiles à partir d’un baril de pétrole à 50 dollars, estime le dirigeant.
Pour les plastiques et les caoutchoucs, il faudrait qu’il redépasse 85 dollars, et, si le cours du baril atteint les 150 dollars – niveau encore jamais atteint -, “les immenses marchés de l’essence et du kérosène seront pleinement accessibles”, ajoute-t-il.
– Etape suivante déjà engagée –
En attendant, le spécialiste de la chimie verte déroule sa stratégie de croissance, avec la construction d’un démonstrateur industriel à Leuna, dans l’est de l’Allemagne, qui produira dès le printemps 2016 des quantités dix fois plus importantes que le site pilote de la Marne. Pour cet investissement, le groupe a pu emprunter 4,4 millions d’euros auprès de banques françaises, avec la garantie de Bpifrance, a souligné M. Delcourt, qui y voit le signe d’une “confiance nouvelle” des banques.
L’étape suivante est déjà engagée, puisque Global Bioenergies a annoncé jeudi la création d’une coentreprise avec Cristal Union pour construire une usine d’isobutène d’ici à 2018. Elle pourrait être située à Pomacle même ou à Arcis-sur-Aube, près de Troyes, où est également implanté le deuxième producteur de sucre français, à la recherche de nouveaux débouchés en vue de la fin des quotas sucriers européens en 2017.
Pour cet investissement de 115 millions d’euros, les deux groupes feront appel à d’autres investisseurs lors de levées de fonds en 2016 et en 2017, avant une mise en route espérée pour 2018.
Si Bpifrance ou des fonds régionaux devraient y participer, le projet suscite aussi l’intérêt d’industriels, a assuré Bernard Chaud, PDG de la coentreprise, baptisée IBN-One (IBN étant l’abréviation d’isobutène). Des groupes de chimie, voire les filiales de carburants de groupes de distribution seraient intéressés.
Et une société IBN-Two, pour l’instant filiale à 100% de Global Bioenergies, vient d’être créée en Allemagne, avec vocation également à “faire entrer un autre acteur”.
La société entend ainsi multiplier les projets, où elle n’aurait in fine qu’une participation très minoritaire, et se rémunérer à hauteur de 5% du chiffre d’affaires via un contrat de licence de sa technologie. Déficitaire de 7,6 millions d’euros en 2014, elle vise la rentabilité en 2019.