Russie : les banques paient les pots cassés par la crise monétaire

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à Moscou, le 17 décembre 2014 (Photo : Yuri Kadobnov)

[28/05/2015 11:35:07] Moscou (AFP) Le secteur bancaire russe subit un coût toujours plus élevé de la crise monétaire de décembre, qui a ébranlé ses fondations et empêche désormais un nombre croissant de Russes de payer leurs dettes à temps, causant pertes et fermetures.

Même son bon élève et numéro un, le mastodonte public Sberbank, réputé pour sa prudence, n’est pas épargné. Visé par les sanctions liées à la crise ukrainienne, il peut malgré tout se féliciter de rester bénéficiaire, contrairement aux autres grands établissements publics, comme VTB.

Publié jeudi, le bénéfice net du groupe public héritier des caisses d’épargne de l’époque tsariste a été plus que divisé par deux sur un an au premier trimestre à 30,6 milliards de roubles (533 millions d’euros).

Son patron Guerman Gref, membre influent du clan libéral de l’équipe de Vladimir Poutine et très critique du gouvernement actuel, a prévenu que “2015 et 2016 ne seront pas les années les plus simples pour l’économie et le secteur bancaire”.

“Les indicateurs macroéconomiques se sont dégradés en avril et je ne vois pas de source de croissance permettant un changement de tendance”, a-t-il estimé alors que le gouvernement espère une croissance forte dès l’an prochain après une récession cette année.

Outre des retraits massifs des comptes bancaires, la panique financière de décembre a poussé la banque centrale à augmenter drastiquement son taux directeur. Pour les banques, cela signifie une hausse des rendements payés aux clients pour les dépôts et un brusque coup de frein de l’activité de crédit.

La violente chute actuelle du pouvoir d’achat des ménages due au pic d’inflation provoque en outre des retards massifs des remboursements des dettes, concernant environ un crédit sur cinq et 40% des cartes de crédit, selon des études citées par la presse russe.

Sberbank, outre une chute de 16% de ses recettes tirées des crédits, a dû passer une provision de 115 milliards de roubles (2 milliards d’euros) au premier trimestre à cause de la dégradation de son portefeuille de prêts.

“La tendance est à la dégradation aussi bien pour les entreprises que les particuliers”, se sont alarmés les analystes de Morgan Stanley.

La deuxième banque russe, VTB, a été encore plus affectée avec des recettes liées au crédit divisées par deux et des provisions comptables de 275,4 milliards de roubles (4,8 milliards d’euros), la plongeant dans le rouge au premier trimestre.

– Faillites et rachats –

Au total, la banque russe Alfa a estimé récemment les provisions comptables pour le secteur cette année à 1.000 milliards de roubles (18 milliards d’euros), soit autant que l’aide publique mise à disposition par les autorités pour renforcer le capital des établissements financiers — à condition d’investir pour soutenir l’économie.

Sberbank a refusé de puiser dans ce plan de recapitalisation, à l’inverse de ses principales concurrentes. Incapable à cause des sanctions d’en appeler au marché pour compenser l’affaiblissement de son capital, la banque a décidé cette année de réduire drastiquement le dividende versé à ses actionnaires.

Pour les plus petits acteurs du secteur financier, qui comprend environ 800 établissements, les difficultés actuelles deviennent parfois insurmontables. La banque centrale ferme quasiment chaque semaine certains d’entre eux en manque de fonds pour fonctionner, souvent aussi pour des transactions douteuses.

La semaine dernière, le coût de la mise en faillite de Transportny, 103e banque du pays, a été évaluée à 40 milliards de roubles (715 millions d’euros) en termes de compensations aux clients, du jamais vu pour le fonds d’assurance des dépôts.

D’autres banques plus importantes en difficulté ont été renflouées sur fonds publics avant d’être reprises par des concurrentes, comme Trust en décembre, renflouée à hauteur de 127 milliards de roubles (2,3 milliards d’euros).

Selon le journal Kommersant, une telle décision pourrait être prise rapidement pour Svyaznoï Bank, très active dans la délivrance de cartes de crédit aux particuliers.

Face à l’ampleur des difficultés, l’agence de garantie des dépôts réfléchit à confier à sa filiale bancaire Rossiïski Capital la mise sous tutelle des établissements en difficulté quand aucun concurrent n’accepte de les reprendre.