La croissance repart, pas l’emploi : pourquoi ?

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ée le 2 juin 2015 (Photo : Alain Jocard)

[02/06/2015 12:17:37] Paris (AFP) Le chômage continue de grimper, malgré un rebond de croissance et des prévisions économiques optimistes pour l’année. Contrats aidés, confiance des entreprises: que manque-t-il pour que l’emploi redémarre ?

QUESTION: Pourquoi la croissance ne fait-elle pas redémarrer l’emploi ?

REPONSE: A première vue, les chiffres sont contradictoires: 0,6% de croissance au premier trimestre, mais une hausse de 0,7% du chômage et un énième record en avril (3,53 millions de demandeurs d’emploi sans activité en métropole).

Le ministre du Travail, François Rebsamen, a admis lundi un “décalage incontestable entre la reprise d’activité et les embauches” et a estimé que la croissance devrait “permettre de faire baisser le nombre de demandeurs d’emploi en fin d’année”.

Une analyse partagée par Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE): “On mesure généralement un délai de deux à trois trimestres entre la reprise de l’activité et celle de l’emploi”.

Il y a, en outre, “encore un peu de sureffectifs dans les entreprises, de l’ordre de 150.000 postes fin 2014”, ajoute-t-il. Son organisme prévoit, comme le gouvernement, une “baisse du chômage en fin d’année”.

Denis Ferrand, de l’institut COE-Rexecode, est moins optimiste. Il note que, pour l’heure, la croissance est portée par une “conjonction astrale favorable” – baisses conjuguées du prix du pétrole, des taux d’intérêt et de l’euro – mais “on n’est pas encore passé en mode +reprise+”.

Selon les économistes, une croissance moyenne annuelle de 1,5% est nécessaire pour que le chômage reflue. Un seuil que vise le Premier ministre Manuel Valls dès cette année.

Q: Les contrats aidés peuvent-ils faire baisser le chômage ?

R: Les chiffres d’avril à peine annoncés, le gouvernement a dégainé 100.000 contrats aidés supplémentaires, qui s’ajoutent aux 445.000 déjà budgétés en 2015.

Dans le détail, le ministère du Travail prévoit 70.000 contrats aidés dans le secteur non-marchand et 30.000 emplois d’avenir pour les jeunes supplémentaires, pour une rallonge budgétaire de 300 millions d’euros.

Au total, 545.000 signatures sont désormais prévues sur l’année – pour une enveloppe globale de 3,4 milliards d’euros -, un niveau comparable à celui de 2013 (538.000).

Selon Mathieu Plane, les emplois subventionnés sont une “bonne solution” de transition en attendant que l’emploi privé redémarre, mais pour lui la rallonge “arrive un peu tard”.

“Cette mesure aura un effet au second trimestre, au moment où l’emploi devrait repartir. Cela aurait été bien de le faire il y a six mois”, estime-t-il.

Pour Denis Ferrand en revanche, “c’est un pis-aller, du replâtrage, à défaut d’idées nouvelles”. “Outre leur impact sur les finances publiques, poursuit-il, les contrats aidés sont un levier temporaire qui pose la question du devenir de leurs bénéficiaires ensuite.”

Q: Les conditions sont-elles réunies pour que les entreprises embauchent ?

R: “Nous avons besoin d’un choc de confiance”, argumente le Medef pour justifier la frilosité des chefs d’entreprises. Selon l’organisation, cette “confiance” passe par la croissance bien sûr, mais aussi la baisse du coût du travail, la flexibilité du marché de l’emploi et la simplification administrative.

Le gouvernement a déjà actionné ces trois leviers, mais pas assez selon le patronat.

Pour le coût du travail, il a lancé le Pacte de responsabilité et ses 40 milliards d’euros d’allégements pour les entreprises d’ici à 2017. Plus de six milliards ont déjà été versés en 2014.

Sur le volet “simplification”, les projets de loi Macron et Rebsamen, qui doivent être adoptés d’ici à fin juillet, prévoient une batterie de mesures pour les entreprises (travail dominical, dialogue social, licenciements collectifs).

Malgré cela, les entrepreneurs restent “extrêmement prudents, échaudés par la reprise annoncée plusieurs fois et qui n’est pas venue”, explique Mathieu Plane, notant également que les patrons “ne se sont pas encore totalement approprié les nouveaux dispositifs”.

“Chat échaudé craint l’eau froide”, estime aussi Denis Ferrand, qui pointe du doigt “l’imprévisibilité fiscale” qui refroidit les entreprises.

Par ailleurs, le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), acte I du Pacte, n’a “pas encore permis de reconstituer les marges”, selon lui. “Il faut un peu de temps pour que ces mécanismes puissent faire sentir leurs effets sur l’investissement et sur l’emploi.”