L’ancien ministre des Finances, Jalloul Ayed, en lice pour la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), vient d’être éliminé au 4ème tour de cette élection.
Dans une réaction à chaud, le malheureux candidat a expliqué sa défaite par le fait que, entre autres, l’Algérie et la Libye n’ont pas voté pour lui.
Ainsi, selon lui, nos voisins algérien et libyen, au lieu de lui donner un coup de main, ont préféré lui donner «une belle gifle». Pis, le non soutien libyen est encore plus douloureux lorsqu’on sait que c’est la Libye qui a parrainé la candidature de M. Aye
Abstraction faite de cette justification à la hâte, il faut reconnaître que l’élection de Jalloul Ayed n’était pas, seulement, tributaire des voix des deux pays voisins. C’est plus compliqué que cela.
La compétence n’était pas suffisante
Jalloul Ayed était certes compétent et son profil convenait parfaitement aux nouvelles orientations de la BAD. Néanmoins, dans ce genre d’élections régionales, la compétence, à elle seule, n’est jamais suffisante pour se faire élire. D’autres paramètres entrent en jeu.
Parmi ceux-ci, figurent le poids politique du pays, son dynamisme diplomatique, son rayonnement régional, son poids économique… Or en la matière, la Tunisie de 2015 ne pèse pas lourd dans la balance africaine.
Sous-représentée diplomatiquement en Afrique (10 ambassades contre 23 pour le Maroc), la Tunisie, bien qu’elle ait abrité, provisoirement durant une dizaine d’années le siège de la BAD, n’était pas la favorite.
Le succès de la transition démocratique n’était pas à vendre en Afrique
Son seul atout résidait dans la réussite de sa transition démocratique. C’était un argument que le candidat tunisien aurait pu valoriser et vendre. Seulement cet argument n’était pas du goût des nombreuses dictatures africaines qui voyaient d’un mauvais œil le succès de l’exemple tunisien.
Même les partenaires-actionnaires occidentaux à la BAD, Etats-Unis (6%), Japon (5%), Allemagne (4%), Canada (3,79%) France (3,75%), lesquels ont appuyé la transition démocratique tunisienne, ne pouvaient pas soutenir le candidat tunisien car leurs intérêts économiques et stratégiques en Afrique sont de loin plus importants que l’émergence d’une jeune démocratie en Tunisie.
Moralité: le succès de la transition démocratique tunisienne et la compétence technique de Jalloul Ayed étaient trop insuffisantes pour favoriser un vote en faveur du candidat tunisien.
Une diplomatie atone
Jalloul Ayed aurait pu toutefois faire mieux si la diplomatie tunisienne avait fait son travail. Son échec est dû, justement, à deux défaillances diplomatiques.
Primo, la candidature de Jalloul Ayed était mal engagée. Elle était transmise trop tard. Elle n’a bénéficié du soutien de l’Assemblée des représentants du peuple qu’à une semaine des élections.
Secundo, le ministère des Affaires étrangères n’a pas fait son job, particulièrement en matière de lobbying, de visites aux capitales africaines et nord-africaines, de négociations diverses avec les ambassades africaines en Tunisie…, autant de démarches qui auraient pu garantir la majorité des votes au candidat tunisien.
Cela pour dire au final que l’échec de Jalloul Ayed ne se justifie pas par le non vote des Algériens et des Libyens, mais par l’immobilisme et l’amateurisme de la diplomatie tunisienne.
Cette même diplomatie qui n’a pas tiré les enseignements requis de l’échec de deux candidatures antérieures: celle de la candidature de Rachid Khechana au poste de directeur général de l’Asbu (Union des Radios et Télévisions arabes), et celle d’Abdellatif Abid, au poste de directeur général de l’ALESCO (Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences).
D’où tout l’enjeu de créer, en toute urgence, au sein du ministère des Affaires étrangères, un département dédié spécialement à la gestion des candidatures tunisiennes aux postes de leadership des organisations régionales et internationales. Il y va de l’image du pays.