Le grand tapage médiatique exagéré fait autour de la récente découverte d’un gisement de pétrole, dans la zone de Zaafrane (gouvernorat de Kébili), ne serait pas fortuit et aurait, selon des experts, des relents de diversion destinée à détourner l’attention de la presse et de l’opinion publique des affaires de corruption qui gangrènent les industries extractives. Autrement dit, c’est de la poudre aux yeux. Plusieurs indices militent en faveur de cette thèse.
Il y a d’abord la petite taille du gisement. Avec une production estimée, durant les premiers essais, à 4.300 barils/jour et 400 millions m3 de gaz avec des réserves entre 20 et 25 millions de barils et un taux d’extraction variant entre 7 et 8 millions de barils, ce gisement ne va pas impacter de manière significative la production nationale.
Selon le ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Zakaria Hamad, qui s’exprimait devant l’Assemblée des représentants du peuple, la production de ce gisement représente 8% de la production nationale (54.000 barils par jour) contre des besoins évalués à plus de 80.000 barils par jour.
Le timing de l’annonce n’est pas fortuit
Vient ensuite le timing de l’annonce de cette découverte. Il intervient juste après la publication par la direction du Contrôle général des finances relevant du ministère des Finances. Ce rapport dénonce «la mauvaise gestion et les dépassements au sein des entreprises publiques chargées des hydrocarbures (ETAP, STIR, STEG) à l’origine de l’augmentation des dépenses de subvention.
Disponible actuellement sur le net, ce rapport, élaboré à l’issue d’un audit au sein des trois sociétés précitées, en collaboration avec le Contrôle général des services publics (CGSP) et le Contrôle général des domaines de l’Etat et des affaires foncières (CGDEAF), fait ressortir que “les dépenses de subvention ont atteint près de 4,9 milliards de dinars en 2012, dont 70% sous forme de subvention indirecte (non inclue dans le budget de l’Etat) au profit de sociétés affichant des pertes».
Conséquence: la grande publicité faite autour de la nouvelle découverte pourrait être interprétée comme une manœuvre pour faire oublier ce rapport et ses révélations accablantes. Ces révélations ne sont pas du reste nouvelles en ce sens où le rapport annuel de la Cour des comptes (exercice 2012) les avait déjà évoquées, de manière exhaustive.
Cette découverte n’était pas une surprise
Autre élément plaidant en faveur de l’hypothèse de diversion, la prévisibilité de cette découverte, et ce au regard des déclarations, faites ces derniers temps par les premiers responsables du secteur des hydrocarbures.
Ainsi, Mohamed Akrout, président-directeur général de l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (ETAP), avait déclaré, lundi 29 septembre 2014, sur les ondes de Radio Express Fm, que «la production pétrolière va revenir à la normale après avoir entamé le forage entre 15 et 20 nouveaux puits pétroliers».
Le relayant 7 mois après, plus exactement le lundi 27 avril 2015, le ministre de l’Industrie, de l’Énergie et des Mines, Zakaria Hamad, a annoncé, sur les ondes de Shems Fm, en marge de sa visite à Nabeul, que dans la but de «maintenir le niveau de production atteint en 2014, et éviter l’impact négatif sur l’économie tunisienne, une orientation est possible pour le développement de quatre champs pétroliers». Comme par enchantement, 8 jours après, la découverte du gisement de Zaafrance «Cat-1» est annoncée en grande pompe.
Mieux, la zone de Zaafrane était reconnue internationalement, c’est-à-dire par le milieu pétrolier mondial, pour être une zone porteuse en matière d’hydrocarbures.
Des experts partagent la thèse de diversion
Par delà le recoupement de ces éléments, certains experts en hydrocarbures partagent cette thèse de diversion.
En effet, l’expert Ridha Maamoun a déclaré, à la presse, que l’annonce de cette découverte est un tape à l’œil dédié à faire oublier les abus et dépassements dans ce secteur, et surtout, à fermer les yeux sur d’autres découvertes qui ne profitent pas à l’Etat. L’expert est allé plus loin pour révéler que pas moins de 15 gisements d’une capacité totale de 20.000 barils par jour ont été découverts dernièrement et n’ont pas été annoncés au public.
Après avoir qualifié le secteur des hydrocarbures de «boîte noire», l’expert a estimé que pour peu que la transparence prévale dans ce secteur, la Tunisie est capable de produire 100.000 barils par jour et peut porter ce volume à 300.000 barils dans deux ans.
Cela pour dire au final: la découverte d’un gisement, fût-il de petite taille, est toujours une bonne nouvelle mais la grande bonne nouvelle serait l’annonce de l’enclenchement d’une grande réforme des industries extractives avec pour composantes la révision du code des mines et des hydrocarbures qui sont à l’origine de toute la corruption qui empoisonne tout le secteur. C’est l’unique issue qui confirmerait que les responsables du secteur ne sont pas corrompus.