Les études et divers rapports concoctés par des institutions étrangères sur la Tunisie rivalisent en qualité et en pertinence. Ils sont le plus souvent fort instructifs et touchent, le plus souvent, à l’essentiel. Ils méritent qu’on s’y attarde.
C’est particulièrement le cas d’un récent rapport américain intitulé «transition politique en Tunisie». Elaboré à l’intention du Congrès américain, en prévision de l’octroi de fonds et de garanties à la Tunisie, ce rapport met le doigt sur les fragilités et les faiblesses qui prévalent en Tunisie suite au soulèvement du 14 janvier 2011.
Il traite des conflits structurels qui prévalent dans le pays et qui risquent de le déstabiliser pour peu que les réformes nécessaires ne soient pas engagées pour mettre fin aux improvisions, mauvaises gestions et effets négatifs de la révolution ont eu sur le pays.
Tunisie, zone de clivages idéologiques
Globalement, le rapport, qui qualifie la Tunisie de «zone de conflits», révèle que le pays, en proie à la polarisation, pourrait connaître des heurts entre camps idéologiques opposés et groupes extrémistes misant sur le désordre et la division.
Ainsi, l’affrontement entre laïcs et islamistes demeure réel, et ce pour une raison très simple. La soi-disant révolution tunisienne n’a pas résolu l’essentiel, ce que le poète syrien Adonis appelle «la rupture avec l’islam institutionnalisé». Pour lui, «tant que la rupture ne sera pas établie entre la religion et l’Etat, il n’y aura pas de société arabe libre et démocratique».
Le conflit entre ultralibéraux férus de privatisations et factions de gauche (syndicalistes), attachées au confort que leur assure le public, demeure également probable. Les lois sur le partenariat public/privé (PPP) et sur les faillites des entreprises risquent d’attiser des affrontements entre les deux parties.
Ces conflits pourraient se greffer sur d’autres plus anciens tels que les animosités qui règnent entre le littoral et l’arrière-pays, entre les communautés du sud et celles du nord, entre les femmes émancipées et les conservateurs et entre les jeunes et une police génétiquement violente.
Conséquence: la Tunisie est toujours en butte aux clivages idéologiques et aux inégalités socio-économiques, ces mêmes clivages qui ont été à l’origine des émeutes de 2011.
La polarisation Nidaa-Ennahdha, une digue fragile
L’alliance Nidaa Tounès-Ennahdha ne peut pas tenir longtemps en raison de l’opposition des projets de société qu’ils défendent. C’est une image factice que les deux partis au pouvoir oeuvrant à vendre à l’international pour se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible.
En plus clair encore, cette polarisation est trop fragile pour contenir les menaces de déstabilisation multiforme qui pèsent toujours sur le pays.
Au rayon des solutions, le rapport relève que le défi majeur que le pouvoir en place se doit de relever consiste à mener à terme avec la célérité requise les réformes douloureuses aux fins de satisfaire les aspirations légitimes des Tunisiens au développement, à la justice sociale et à l’équité des chances.
Concrètement, ces réformes concernent des secteurs réputés pour être fortement corrompus, en l’occurrence l’environnement des affaires, les banques, la fiscalité, la douane, la concurrence, la faillite des entreprises et le commerce parallèle.
Les Etats-Unis déterminés à soutenir la Tunisie
En dépit des craintes suscitées par ce rapport, les Américains n’ont pas manqué de réitérer avec force leur appui à la transition politique et économique de la Tunisie.
En témoignent deux importants résultats auxquels a abouti la récente visite que vient d’effectuer le président de la République, Béji Caïd Essebsi à Washington.
Il s’agit de la décision du président des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama, d’accorder à la Tunisie le statut «d’allié majeur non membre de l’OTAN» (Organisation de traité de l’Atlantique Nord).
Ce statut est accordé par Washington à des pays alliés ayant des relations stratégiques avec les forces armées américaines, mais ne faisant pas partie de l’organisation qui compte actuellement 28 Etats membres.
Le second résultat étant la réponse favorable donnée par les Etats-Unis à la demande tunisienne d’obtenir des garanties américaines pour contracter, sur les marchés internationaux, des prêts d’un montant global de 500 millions de dollars à des conditions préférentielles.