La réforme du système bancaire est un impératif d’intérêt national. Peu performant, en retard de phase sur les besoins de financement de l’économie, le secteur bancaire doit bouger. Et dans cette perspective, quelle place pour les banques publiques? Peut-on réformer en vase clos ou faut-il une ouverture nécessaire sur des partenaires stratégiques? A quand un champion national et à quand le saut à l’international?
Le Forum de l’ASECTU (Association des économistes tunisiens) s’est prolongé par ce troisième atelier qui s’est penché sur le thème de la réforme du secteur bancaire. Le débat actuel sur la réforme du système bancaire se focalise sur le secteur bancaire public, uniquement. Il a fait l’objet d’un full audit, qui s’est anormalement prolongé. Et Habib Karaouli, DG de la Banque d’affaires de Tunisie, dira que le temps d’un audit revient à la fermeture pour inventaire. Cela a trop duré, et puis, que vaut un avis technique, si précieux qu’il soit, s’il n’est soutenu par une volonté politique audacieuse de réformer en profondeur?
En somme, le débat en est là. Faut-il réformer de manière homéopathique ou refonder? La question se pose en termes de choix de méthodes. Faut-il y aller progressivement ou alors provoquer un big bang et en assumer toutes les conséquences?
Le retard de gouvernance est-il une fatalité?
Le retard pris par le système bancaire national peut se matérialiser dans deux aspects essentiels. Le premier est que le système d’information des banques est resté chétif. Il ne peut accompagner l’expansion du métier ni du business des banques. Le second est que le système est resté à accorder des crédits en fonction des garanties et non du risque lié à l’opération de financement. On en rajoutera un troisième, celui du franchissement d’espèce en matière des métiers de marché.
Le système bancaire s’est créé une rente de situation en monopolisant la gestion de la dette publique. Les spécialistes en valeurs du trésor sont tous des filiales des banques. Cela a empêché le marché de la dette de se développer. On a subi deux dommages à la fois. L’on n’a pas pu dégager une courbe des taux et on a empêché l’Etat de se financer sur un marché concurrentiel.
Injecter de l’argent public ne s’appelle pas réformer
Choisir de recapitaliser les banques avec de l’argent public est-il en soi un mauvais choix? Oui, disent beaucoup d’experts dont Laabidi Moez, professeur d’économie. De son point de vue, c’est un choix de facilité pour le gouvernement.
On a vu le gouvernement américain injecter de l’argent public dans des banques privées pour les sauver de la faillite du fait du risque systémique, mais là c’était fait dans une perspective de Bail out. Et d’ailleurs, l’opération TARP s’est soldée par un excellent rapport bénéficiaire pour le gouvernement américain.
Si tant est qu’il faut recapitaliser avec l’argent des contribuables à l’effet de réformer les banques publiques, alors pourquoi ne pas élargir la problématique et envisager une réforme dans toutes ses composantes? Peut-on à l’heure actuelle laisser le système d’information à un niveau embryonnaire alors qu’il existe une offre nationale de cloud computing?
Peut-on échapper à la digitalisation de la relation banque client? Ne faut-il pas se soucier de la qualité du métier et s’ouvrir aux opérations de marché? Tout cela peut-il être conduit avec la même gouvernance et en vase clos? Faut-il négliger la question de l’ouverture du capital à des partenaires stratégiques qui pourraient apporter ce qu’il faut de compétences pour développer le secteur?
A-t-on besoin d’un secteur bancaire public ?
Si tant est que l’on doit garder un secteur bancaire public, encore faut-il en prouver l’intérêt et lui assurer les conditions d’activité rentable. On a vu la France socialiste sous Mitterrand nationaliser le secteur bancaire. Mais cela n’a pas assuré le meilleur financement à l’économie française, car peu de temps plus tard, la France a dû ouvrir son marché à la concurrence internationale. Et sur un marché concurrentiel, les entreprises publiques, bancaires notamment, n’ont pas les faveurs des pronostics. L’ennui est que tout le système bancaire du public et du privé est en proie à la frilosité.
On sait qu’il existe trop d’enseignes dans le pays et qu’il faudrait fatalement aller vers une opération de concentration. Faut-il que las banques publiques fusionnent? Cela reste à déterminer. Mais le souci majeur est que n’ayant pas les conditions concurrentielles optimales sur le marché national pour se développer, il faudrait qu’elles aillent à l’international pour se le procurer. Et, dans ce sillage, la question est de savoir si elles peuvent arrêter un plan d’action, en conséquence.