à Francfort en Allemagne, le 21 mai 2015 (Photo : Daniel Roland) |
[08/06/2015 09:16:07] Francfort (AFP) La démission dimanche des deux copatrons de la banque allemande Deutsche Bank était unanimement saluée lundi par le le monde économique et politique, mais sans illusions : pour ce géant européen du secteur, le plus dur reste à faire.
A la Bourse de Francfort, les investisseurs applaudissaient lundi matin, propulsant l’action Deutsche Bank en tête des valeurs vedettes. Le titre bondissait de près de 6% vers 8H20 GMT, sur un marché en repli de 0,71%.
“Comme pour les politiques, les hauts dirigeants n’ont qu’un seul capital: la confiance. (…) L’aura d’intégrité a été perdue” par l’Indo-britannique Anshu Jain et l’Allemand Jürgen Fitschen, jugeait le quotidien conservateur Die Welt.
De son côté, le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) estimait que “la réputation de cette banque si importante pour l’économie allemande a touché le fond”.
Pour Gerhard Schick, expert financier du parti des Verts, “il y a enfin une chance pour la banque de pouvoir prendre un nouveau départ”.
Ebranlée par des scandales à répétition, un feu nourri de critiques des actionnaires et des résultats médiocres, Deutsche Bank, fleuron de l’industrie financière allemande, a annoncé dimanche la démission de MM. Jain et Fitschen.
Les deux intéressés avaient pourtant publiquement exclu il y a quelques semaines d’abandonner leur poste. Une réorganisation récente avait par ailleurs renforcé les pouvoirs de M. Jain, qui quittera ses fonctions dès la fin du mois.
– Nouveau départ –
C’est au Britannique, John Cryan, 54 ans, ancien directeur financier de la banque suisse UBS et déjà membre du conseil de surveillance du groupe allemand depuis 2013, que reviendra la délicate tâche de redresser ce géant du secteur bancaire en Europe. Aux côtés de M. Fitschen à partir du 1er juillet, puis seul après la prochaine assemblée générale, en mai 2016.
En nommant MM. Fitschen et Jain en 2012, Deutsche Bank optait pour une direction à deux têtes. Excellent connaisseur des activités de la banque dans le monde et de ses grands clients en Allemagne, Jürgen Fitschen devait épauler Anshu Jain, épris de culture anglo-saxonne et parlant mal l’allemand.
Les deux avaient promis de rompre avec les scandales et l’image des banquiers d’investissement aux dents longues qu’incarnait leur prédécesseur, le controversé Josef Ackermann.
Trois ans plus tard, les résultats ne sont toutefois pas au rendez-vous. Deutsche Bank est toujours aux prises avec quelque 6.000 litiges et reste largement distancée par ses rivales anglo-saxonnes.
– Incertitudes –
Avec le départ des deux dirigeants, la plupart des observateurs s’accordaient lundi à dire que tout reste à faire pour la banque.
Les scandales continuent de peser lourdement sur les finances du groupe et “à l’échelon international, Deutsche Bank ne joue plus qu’en deuxième ligue”, déplorait le journal de Cologne (ouest) Kölner Stadt Anzeiger.
Pour redresser la barre, le groupe a lancé fin avril une nouvelle stratégie à l’horizon 2020, qui passe entre autres par un recentrage des activités et une réduction drastique de la voilure dans la banque de détail.
Deutsche Bank, qui emploie plus de 98.000 personnes pour 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires, est tiraillée entre ses aspirations internationales dans la banque d’investissement – où elle revendique une place dans le “top 5” mondial – et son enracinement dans la banque de détail en Allemagne. Le choix du Britannique John Cryan semble indiquer que c’est l’international qui l’a emporté.
“Nous avons du mal à voir comment le changement de direction va permettre de faire de Deutsche Bank un champion sur le long terme”, affirmaient toutefois les analystes de Berenberg.
Selon eux, “résoudre les problèmes de rentabilité des activités de coeur de métier nécessite plus qu’un nouveau patron. (…) Ce changement constitue un facteur d’incertitude supplémentaire pour la stratégie”, dont les investisseurs attendent toujours davantage de détails.