L’épisode a été hautement traumatisant. Jalloul Ayed, candidat de la Tunisie pour la présidence de la BAD, a été éliminé au 4e round. Cette élimination rapide a été l’occasion de s’apercevoir pour la 3ème fois des faiblesses notoires de notre diplomatie. Elle a été précédée par l’élimination de nos candidats à l’ALECSO et à l’ASBU!
Les errances des trois années de la Troïka ne sont pas à rappeler tant elles nous ont coûté diplomatiquement. Mais la situation est plus ancienne, de l’époque même de Ben Ali, qui avait une sulfureuse réputation liée aux droits de l’Homme et la corruption notoire de sa famille. Cependant, il y a également beaucoup de manquements à imputer au rendement même de nos diplomates pas toujours aussi performants qu’ils devraient l’être.
En fait, le cas de nos candidats à la présidence de l’ALECSO et à celle de l’ASBU est plus grave que celle de Jalloul Ayed. Les sièges de ces organisations panarabes sont à Tunis et, depuis le départ de la Ligue arabe vers le Caire, il était de tradition que les directeurs généraux de ces organisations soient de nationalité tunisienne! Depuis la révolution et ce qui s’en suit, les diplomates du Golfe, particulièrement, ont voté en bloc contre le candidat tunisien. Les raisons sont ce qu’elles sont, positions politiques d’Ennahdha, critiques ouvertes des Cheikhs, amalgames divers… Les résultats sont notre échec répété dans ces joutes diplomatiques!
Pour le cas de Jalloul Ayed, la situation n’est pas meilleure puisque ce qui a manqué à notre candidat, ce sont les voix des Maghrébins, particulièrement de l’Algérie et de la Libye. Pour la première fois, le ministre des Affaires étrangères ne pratique pas la politique de l’autruche! Taieb Baccouche a tenu au début de la semaine une conférence de presse conjointe avec Jalloul Ayed pour expliquer et analyser notre échec à Abidjan.
Lors de cette conférence, M. Ayed a imputé l’échec de sa candidature à la présidence de la BAD par le fait que la Libye et l’Algérie n’ont pas voté en sa faveur alors qu’il a focalisé sa stratégie électorale sur les pays de l’Afrique du Nord et surtout sur la Libye. Il s’est déclaré étonné de la position libyenne surtout que les principaux responsables des institutions bancaires libyennes l’avaient encouragé à présenter sa candidature, il y a plus de deux ans.
Commentant le fait que l’Algérie n’ait pas voté en sa faveur, M. Ayed a indiqué que les ministres tunisiens de la coopération internationale et des Finances avaient rencontré le ministre algérien de l’Economie, lequel leur avait promis verbalement son soutien aux élections de la BAD, mais cette promesse ne s’est pas concrétisée. Il a expliqué le changement de la position de l’Algérie par le remplacement de son ministre de l’Economie.
M. Baccouche n’a pas caché son étonnement de la position libyenne tout en l’imputant plutôt à la situation confuse du gouvernement libyen en ce moment.
Mais le ministre fait une proposition qui pourrait résoudre le problème à l’avenir. Il a annoncé, lors de sa conférence de presse, la création d’une commission permanente qui prendra en charge les dossiers de candidatures des compétences tunisiennes auprès des organisations internationales et régionales. Il a ajouté que cette structure, qui constituera une “banque de données des compétences tunisiennes selon les spécialités“, aura pour mission l’élaboration de stratégies pour assurer la réussite de la candidature tunisienne aux hauts postes au sein de ces organisations, et ce deux ans avant la date des élections pour les postes ciblés.
Cette autocritique pratiquement officielle et la création de cette nouvelle instance augurent de l’existence d’une nouvelle approche qu’on ne peut que saluer en espérant que la diplomatie tunisienne reviendra à plus de travail efficace et efficient.