à Istanbul (Photo : OZAN KOSE) |
[08/06/2015 14:08:30] Istanbul (AFP) Les marchés financiers, qui détestent l’incertitude, ont accueilli lundi par une chute de la Bourse d’Istanbul et une dégringolade de la devise turque le revers subi par le parti du président Recep Tayyip Erdogan aux législatives, même si un gouvernement de coalition, moins populiste, pourrait aussi les rassurer.
C’était l’un des scénarios les plus redoutés des analystes. En perdant la majorité absolue qu’il détenait depuis treize ans au Parlement, le Parti de la justice et du développement (AKP) a fait passer un frisson d’inquiétude chez les investisseurs.
Dès l’ouverture de la séance, le principal indice de la bourse stambouliote a violemment décroché, plongeant de 8%. Il s’est légèrement repris mais reculait encore de près de 6% dans l’après-midi, autour des 77.000 points.
La livre turque (LT) a simultanément subi le même mouvement. Après avoir établi un nouveau plus bas historique face à la monnaie américaine à 2,78 LT pour un dollar, elle s’échangeait autour de 2,75 LT et de 3,08 LT pour un euro, en recul de 3%.
La Banque centrale a promptement réagi en baissant ses taux appliqués aux dépôts en devises à une semaine. Ils passeront à partir de mardi de 4% à 3,5% pour le billet vert et de 2% à 1,5% pour l’euro, a indiqué l’institution monétaire. Cette décision n’a pas suffi à faire remonter significativement la monnaie turque.
L’AKP est arrivée en tête du scrutin de dimanche mais n’a recueilli que 40,8% des suffrages, en baisse de près de 10% par rapport à son score d’il y a quatre ans (49,9%). Avec 258 sièges de députés sur 550, il ne pourra former seul un nouveau gouvernement.
“Le résultat des élections n’a pas permis de clarifier les incertitudes qui pèsent sur la politique turque”, a commenté Özgur Altug, analyste chez BGC Partners à Istanbul.
“Ces résultats vont donner lieu a des discussions et des négociations politiques intenses”, a lui aussi relevé Deniz Ciçek, économiste à la Finansbank, “les marchés vont suivre les tractations sur la formatin du gouvernement pendant des semaines”.
– ‘Vulnérable’ –
Cette phase d’incertitude constitue une nouveauté pour les marchés. Arrivé au pouvoir en 2002 en pleinedébâcle financière, le parti de M. Erdogan a mené des réformes qui ont ouvert une décennie de stabilité et de forte croissance pour l’économie turque.
Depuis 2012 toutefois, la page de ce “grand bond en avant” turc est révolue. La croissance a chuté (2,9% en 2014), l’inflation et les déficits publics restent élevés et le chômage a retrouvé son plus fort niveau depuis cinq ans.
Les marchés se sont également inquiétés ces derniers mois des pressions à répétition exercées par M. Erdogan sur la Banque centrale, en principe indépendante, pour qu’elle réduise massivement ses taux d’intérêt afin de pour protéger la croissance. Une perspective rejetée par les investisseurs, inquiets du niveau de l’inflation.
Pour toutes ces raisons, “la Turquie est peut-être le plus vulnérable de tous les pays émergents à l’heure actuelle”, a résumé lundi William Jackson, de Capital Economics.
Dans ce contexte très politisé, un gouvernement de coalition pourrait toutefois rassurer les analystes qui redoutaient qu’une large victoire du camp du président Erdogan n’encourage ses tentations “populistes” en matière d’économie.
“Une coalition qui marche permettrait de réduire les risques à moyen terme que faisait peser la perspective d’un renforcement des pouvoirs du président”, a jugé Michael Harris, analyste à Renaissance Capital, “il n’y a aucune raison de s’inquiéter d’une coalition”.
“Nous pensons que l’application du dernier plan présenté par le gouvernement (…) dépend d’abord des nominations qui seront faites à certains postes-clé, que l’AKP décide de former une coalition ou de gouverner seul”, a jugé lundi Standard and Poor’s.
“Le résultat des élections générales en Turquie n’a pas d’effet immédiat sur sa note”, a ajouté l’agence de notation financière, maintenue à BB+ perspective négative.