économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale, Kaushik Basu, le 8 octobre 2014 à Washington (Photo : Chip Somodevilla) |
[10/06/2015 20:07:27] Washington (AFP) Les pays en développement vont connaître une nouvelle année de croissance décevante en 2015 face au double défi de la baisse des prix du pétrole et surtout de la perspective d’un relèvement des taux d’intérêts aux Etats-Unis, estime la Banque mondiale mercredi.
“Nous conseillons aux nations, en particulier aux pays émergents, d’attacher leurs ceintures !”, a résumé l’économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale, Kaushik Basu, lors d’une conférence de presse téléphonique mercredi présentant les prévisions économiques semestrielles de l’institution.
“La principale ombre au tableau est l’éventuelle hausse des taux d’intérêt américains. Elle pourrait affaiblir les flux de capitaux et relever les coûts d’emprunt”, a-t-il ajouté.
Tout comme l’annonce d’un début de normalisation de la politique monétaire américaine au printemps 2013 avait provoqué des turbulences sur les marchés, la première hausse des taux par la Réserve fédérale (Fed) “pourrait déclencher une volatilité sur les marchés”, affirme l’institution.
Elle évalue que les flux de capitaux vers les pays émergents pourraient se tarir au point de grever leur Produit intérieur brut (PIB) de 1,8 point de pourcentage.
“Si j’avais un conseil à donner à la banque centrale américaine, je recommanderais que (cette hausse) intervienne l’année prochaine plutôt qu’à la fin de cette année”, a ajouté ce responsable emboîtant ainsi le pas du Fonds Monétaire International (FMI) qui, la semaine dernière, a lui aussi estimé qu’une hausse des taux en 2016 serait plus appropriée.
Selon lui, les signes donnés par l’économie américaine sont “mitigés”. “Une hausse relativement tôt pourrait causer des fluctuations des taux de change, un renforcement du dollar qui ne sera pas bon pour l’économie américaine”, a encore expliqué ce responsable. “Et ce qui n’est pas bon pour l’économie américaine a un impact négatif sur les économies émergentes et le monde en développement”, a-t-il averti.
La banque centrale américaine (Fed) a plusieurs fois indiqué son intention de relever les taux au jour le jour alors qu’ils sont maintenus proches de zéro depuis la crise financière fin 2008.
-Prévision de croissance abaissée-
La Banque mondiale a abaissé de 0,4 point par rapport à janvier ses prévisions de croissance pour les pays en développement à 4,4% en 2015, avant une accélération en 2016 à 5,2% et en 2017 à 5,4%.
“Les pays en développement qui avaient été le moteur de la croissance mondiale pendant la crise financière font face maintenant à un environnement économique plus difficile”, a relevé le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim dans un communiqué.
Les bas prix du pétrole mais aussi ceux des matières premières stratégiques ont amplifié le ralentissement des pays en développement.
Deux grandes économies vont se contracter en 2015, le Brésil (-1,3%) et la Russie (-2,7%). La croissance devrait bondir au contraire en Inde à 7,5% en 2015 (contre une prévision de 6,4% il y a six mois).
En continuant de “gérer prudemment” son ralentissement, la Chine devrait encore afficher une robuste expansion de 7,1% cette année.
Globalement, l’économie mondiale devrait croître de 2,8% cette année et 3,3% en 2016, selon ces prévisions de la Banque mondiale qui sont moins optimistes que celles du FMI en avril (+3,5% en 2015 et +3,8% en 2016).
Les pays riches ne devraient croître que de 2% cette année et 2,4% l’année prochaine.
Evoquant la crise grecque, l’économiste de la Banque mondiale a estimé que “le scénario le plus probable était que la Grèce ne sorte pas” de l’euro. Mais si elle devait sortir, ou bien elle le fait avec de violentes turbulences ou bien elle le fait en douceur, provoquant malgré tout “des tensions politiques” au sein de la zone euro, d’autres pays réclamant à leur tour “de l’espace budgétaire”, a averti M. Basu.