Le défaut de paiement la Grèce, un processus confus, et inédit par certains aspects

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ènes (Photo : Angelos Tzortzinis)

[12/06/2015 16:19:25] Paris (AFP) Rien à voir avec une faillite d’entreprise décrétée par un tribunal : si la Grèce devait faire défaut à l’égard de ses créanciers, un scénario désormais étudié dans les ministères des pays de zone euro, il s’agirait d’une procédure confuse, et inédite par bien des aspects.

Q : “Faillite” ou “défaut” ?

Un Etat ne peut “faire faillite” au sens juridique du terme, défini par la “situation d’un commerçant dont le tribunal a constaté la cessation de paiements” et comme étant la “procédure organisée pour le règlement collectif de cette situation”.

En l’absence de “tribunal” pour les Etats, ou de “procédure organisée pour le règlement collectif”, la Grèce ne peut faire faillite, mais elle risque le “défaut de paiement”, l’incapacité à rembourser sa dette, ou au moins à payer les intérêts. Le scénario est suffisamment sérieux pour avoir été évoqué par les bras droits des ministres des Finances de la zone euro, selon plusieurs sources européennes vendredi.

Q : Quand ?

La date de tous les dangers est le 30 juin. Ce jour-là, la Grèce doit rembourser 1,6 milliard de prêts du FMI et il est peu probable qu’elle y parvienne sans le déblocage de 7,2 milliards d’euros qu’il reste à lui verser dans le cadre d’un deuxième plan de sauvetage. Ce plan, en cours depuis 2012, expire également le 30 juin.

La Grèce est dans l’incapacité depuis 2010 de faire comme la majorité des Etats, qui “rafraîchissent” indéfiniment leur dette en empruntant sur le marché. L’Etat grec recourt depuis plusieurs semaines à des montages financiers compliqués pour payer ses fonctionnaires, la note d’électricité des ministères, et rembourser le FMI, mais le système semble avoir atteint ses limites.

Le déblocage de cette enveloppe de 7,2 milliards d’euros est donc crucial et, de l’avis de plusieurs économistes, si les ministres des Finances de la zone euro ne s’accordent pas pour signer le chèque à leur prochaine réunion le 18 juin, le défaut de paiement sera très proche.

Q : Comment ?

Si la Grèce manquait officiellement son remboursement du 30 juin au FMI, s’en suivrait probablement une ruée des épargnants et des investisseurs sur les banques grecques, lesquelles se retrouveraient en faillite. Le gouvernement pourrait décider de mesures de contrôle de capitaux.

Pour Christopher Dembik, analyste de Saxo Banque, dès le 30 juin, “les agences de notation pourraient prononcer le défaut de la Grèce et abaisser une semaine ou deux plus tard la note des banques grecques”, et la BCE risque de couper la dernière source d’approvisionnement qui maintient les banques grecques en vie. De toute façon, si la Grèce n’honore pas d’autres paiements attendus pour le 20 juillet auprès de la BCE, l’institut de Francfort n’aura d’autre choix que de fermer le robinet.

Q : Défaut = sortie de la zone euro ?

Difficile de faire de la prospective. La Grèce ne serait pas le premier Etat en situation de défaut, mais il s’agirait d’une situation inédite pour un pays membre d’une union monétaire.

Pour M. Dembik, la BCE serait chargée d’éviter toute contagion “psychologique”, c’est-à-dire toute spéculation sur les taux d’intérêt d’autres membres de la zone euro perçus comme fragiles, ou sur leurs banques, “amplifiant son programme en cours d’achat de titres”.

Pour lui, la Grèce serait-elle condamnée à sortir de l’euro : “De facto, si les banques grecques sont en faillite, les moyens de paiement sont bloqués, les citoyens grecs n’ont plus accès à la monnaie unique”.

Q : Le défaut de paiement peut-il encore être évité ?

Oui, à court terme, si les négociations entre la Grèce et ses créanciers, sur un arsenal de réformes et d’engagements budgétaires, prennent un élan décisif et permettent de débloquer l’aide de 7,2 milliards d’euros.

Mais il ne s’agirait que d’un répit de courte durée. A moyen terme, la zone euro et la Grèce ne pourront éviter une discussion sur sa lourde dette, qui représente plus de 170% du produit intérieur brut.

La situation de la Grèce est différente de celle de l’Argentine par exemple, qui a fait défaut en 2001, mais qui est encore aux prises aujourd’hui avec des créanciers privés récalcitrants.

La Grèce a quant à elle restructuré en 2012 l’essentiel de sa dette privée. A 70%, sa dette est désormais détenue par des organisations internationales et des Etats.

Mais ce n’est pas forcément plus simple. En effet, les créanciers ne semblent pas tout à fait d’accord entre eux: le FMI voudrait régler une bonne fois pour toutes la question de la dette, mais les Européens rechignent à ouvrir ce dossier très sensible.

Au-delà de mesures techniques comme un contrôle des capitaux et un rééchelonnement, un effacement pur et simple d’une partie de la dette grecque obligerait les pays créanciers à solder leurs pertes. Il paraît peu probable que le président français ou la chancelière allemande, chacun à deux ans des élections nationales, s’y risquent.