Est, le 11 juin 2014 (Photo : Jacques Demarthon) |
[14/06/2015 11:07:18] Lyon (AFP) “La rive droite du Rhône d’abord, ensuite le plateau”: en Ardèche, seul département français sans gare de voyageurs, les défenseurs du rail entrevoient un retour du train.
C’est devenu une spécificité locale au même titre que les marrons ou le Mont Gerbier de Jonc: dans ce territoire rural de 318.000 habitants, seules de pittoresques petites lignes touristiques circulent depuis 1973 et la disparition du Lyon-Givors-Nîmes.
Le vote, le 9 mai, du volet territorial “Ardèche” du contrat de plan État-Région (CPER) doit changer la donne. Il prévoit en effet une enveloppe de 20 millions d’euros, à parts égales entre la Région et SNCF Réseau (ex-RFF), pour financer études prospectives et travaux.
Selon cette déclaration d’intentions, les trains de voyageurs pourraient faire leur retour dans les gares ardéchoises, sur la rive droite du Rhône, dès 2017, sur un tronçon compris entre Valence et Avignon.
“C’est un retournement de situation inespéré”, se félicite Franck Pallier, président-fondateur du collectif des usagers des transports publics en Sud-Ardèche (Cutpsa). “On était dans la logique: le train, c’est fini.”
Si la promesse d’un retour du train avait été prise dès 2004 par l’actuel exécutif régional, elle faisait figure depuis de serpent de mer en dépit d’un protocole signé en 2008 entre Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, l?Etat et quatre conseils généraux.
En juillet 2014, une étude de l’ex-RFF avait paru enterrer définitivement le projet en chiffrant à 107,1 millions d’euros le coût d’une réouverture de la portion entre Romans-sur-Isère (Drôme) et Nîmes. Cette étude, très contestée par les collectifs d’usagers, tablait sur un potentiel de 2.500 voyageurs quotidiens (avec sept allers-retours) et des charges bien supérieures (17 millions par an) à la recette escomptée (1,76 million).
Ces chiffres avaient encore refroidi l’ardeur de l’exécutif régional, mobilisé sur d’autres chantiers comme le futur gigantesque n?ud ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, le TER du Grand Genève ou la sauvegarde d’autres petites lignes.
– Bataille politique –
“Il y a des trains en vallée du Rhône”, fait-on d’ailleurs remarquer à la Région. Le TGV s’arrête à Valence et Avignon et les TER Lyon-Marseille desservent un chapelet de gares. Mais sur la rive gauche, dans la Drôme. Depuis Pierrelatte, Valence ou Montélimar, un dense réseau de bus prend le relais du rail pour irriguer l’Ardèche avec des temps de parcours élevés.
“Je n’oublie pas que les Ardéchois veulent être mobiles. Le train est un moyen parmi d’autres”, souligne Éliane Giraud, vice-présidente (PS) de la Région chargée des Transports, pour qui “le pragmatisme” doit l’emporter sur “l’idéologie”.
La rive droite, pour l’heure, est réservée au fret. “Ce ne sont pas sept allers et retours par jour qui vont empêcher son développement”, argue François Jacquart, conseiller régional (Front de Gauche) et président du comité de ligne sud-Ardèche. “Des trains de passagers sont détournés très régulièrement sur la rive droite en raison de travaux sur la gauche. Depuis le début de l’année 2015, il y en a eu une semaine sur deux, comme en 2014”, renchérit Franck Pallier.
Les partisans d’un retour du train font aussi valoir que l’ambitieux projet d’autoroute ferroviaire pour les marchandises a fait long feu dans le couloir rhodanien et que la facture de remise aux normes des infrastructures sera moins élevée que ne l’a dit SNCF Réseau. Reste le coût du service…
“La balle est dans le camp de la SNCF”, lance Éliane Giraud. Saisi de nouvelles études de faisabilité, le groupe ferroviaire devrait rendre sa copie d’ici à l’automne.
Moins de pollution, moins de voiture, de nouvelles attractions touristiques en Ardèche comme la caverne du Pont d’Arc, les partisans du rail sont persuadés du bien-fondé de leur démarche. “Dans 10, 20 ans, on pourra rouvrir des lignes pour desservir le plateau ardéchois”, assure l’écologiste Jean-Charles Kohlhaas, président de la commission transports à la région.
Les Verts avaient conditionné leur soutien au CPER à l’adoption d’un amendement sur le retour, à brève échéance, du train en Ardèche. Qui pourrait devenir “un argument électoral” en cas de retard, selon la tête de liste EELV des régionales de décembre. La bataille du rail est aussi politique.