Directive “secret des affaires” : succès de la pétition européenne d’Elise Lucet

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çaise Elise Lucet, le 28 mai 2010 à Paris (Photo : Joel Saget)

[15/06/2015 17:34:54] Paris (AFP) Une pétition européenne lancée par la journaliste française Elise Lucet contre un projet de directive européenne sur le secret des affaires a recueilli 270.000 signatures en dix jours, l’un des records du site de pétitions en ligne Change.org.

Lancée le 4 juin, elle réclame la suppression de cette directive, que doit examiner mardi une commission du Parlement européen, et qui prévoit des sanctions en cas de divulgation de secrets des affaires y compris par des journalistes. Un texte “liberticide”, selon ses signataires.

“Nous craignons mardi que la directive soit adoptée en commission”, a indiqué l’avocate du collectif, Virginie Marquet.

Cette pétition a déjà recueilli 240.00 signatures en France et 30.000 en Belgique, Allemagne, Espagne et Royaume-Uni. Des versions locales ont été lancées dans ces trois derniers pays.

“C’est une des croissances les plus rapides pour une pétition sur le site depuis le lancement de Change.org en France en 2012”, a indiqué Change.

Elise Lucet, présentatrice du JT de 13H00 sur France 2 et rédactrice en chef de l?émission d?enquêtes ?Cash Investigation?, a lancé cette pétition avec le collectif .

Parmi ses soutiens, la députée européenne Eva Joly, Edwy Plenel (Mediapart) ainsi que les lanceurs d?alerte Stéphanie Gibaud (affaire UBS), Antoine Deltour (LuxLeaks) et Hervé Falciani (HSBC).

“Sous couvert de lutte contre l?espionnage industriel, le législateur européen prépare une nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme, le +secret des affaires+”, souligne la pétition.

“Si une source ou un journaliste viole ce secret des affaires, des sommes colossales pourraient lui être réclamées, pouvant atteindre des millions voire des milliards d?euros (…) On pourrait même assister à des peines de prison dans certains pays”.

“Notre métier consistant à révéler des informations d?intérêt public, il nous sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de nos pays”, conclut-elle.

“La commission européenne a reçu des énormes groupes, comme Air Liquide, Dassault… Ce sont eux qui font tout pour restreindre au maximum l’investigation économique, en englobant les journalistes, les sources et les lanceurs d’alerte”, a souligné lundi Elise Lucet lors d’un rassemblement des initiateurs de la pétition à Paris.

“Je suis devenu malgré moi un cas d’espèce”, a commenté de son côté le journaliste d’investigation Edouard Perrin, inculpé au Luxembourg pour avoir révélé le scandale LuxLeaks — des avantages fiscaux consentis par le Luxembourg à des multinationales.

La loi luxembourgeoise sur laquelle repose l’inculpation montre “ce que pourrait être cette directive européenne”, a-t-il souligné. “Elle permettrait non seulement de sanctionner la divulgation des informations mais même leur acquisition : une entreprise pourra donc poursuivre un journaliste avant même qu’il ait publié, dès qu’il la contacte pour vérifier l’info”.

“La directive prévoit une exception pour les journalistes dans le cadre légitime de la liberté d’information, mais ce sera une exception, les journalistes devront démontrer que leurs informations sont d’intérêt général. Et l’entreprise décidera du préjudice entraîné par la divulgation des informations. Qui prendra le risque de subir des dommages et intérêts pouvant atteindre de millions d’euros?”, a lancé Virginie Marquet.

Un appel contre la directive a aussi été lancé par les syndicats français et européens, l?Association européenne des Droits de l?Homme ainsi que Julian Assange, fondateur de Wikileaks.

En France, le gouvernement comptait introduire en février un amendement qui anticipait cette directive, avant de renoncer face à une forte opposition des médias.