Cuba : “Papito”, coiffeur “responsable” qui redonne vie à son quartier

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à Cuba (Photo : ADALBERTO ROQUE)

[17/06/2015 07:05:40] La Havane (AFP) Entrepreneur prospère, Gilberto Valladares a voulu tenter l’expérience de la responsabilité sociale dans le Cuba communiste, parvenant à redonner des couleurs à quelques coins de rue déshérités de la vieille Havane.

Celui que tous appellent affectueusement “Papito” a décidé voici quelques années d’abandonner son emploi de coiffeur dans un salon d’Etat pour devenir “cuentapropista”, ces travailleurs privés qui ont fleuri ces dernières années dans la foulée des réformes économiques du président Raul Castro.

Aujourd’hui, ce chef d’entreprise de 45 ans est le propriétaire d’un des salons de beauté les plus courus de La Havane, mais au lieu de se contenter de jouir de revenus bien supérieurs à la moyenne des Cubains, il a décidé d’en réinvestir une partie pour la communauté qui l’entoure.

“Je dis toujours que le moment historique d’impliquer les entrepreneurs dans la société est arrivé”, raconte à l’AFP cet homme imposant au crâne rasé, dans son école de coiffure ouverte voici quelques mois.

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ouverture de ce centre de formation gratuit (Photo : ADALBERTO ROQUE)

Une demi-douzaine d’élèves suivent aujourd’hui l’enseignement dispensé gratuitement par son équipe. Les apprentis étaient 15 au départ, mais l’exigence des professeurs et la nécessité économique ont provoqué une série de défections.

“Des voisins m’ont parlé des cours de coiffure de Papito et je me suis inscrite. Cela a provoqué un changement dans ma vie”, explique Lilian Nargoyes, élève de 18 ans qui confie avoir pour projet d’ouvrir un salon dans sa maison familiale.

Les apprentis coiffeurs, qui ont suivi trois mois de leçons théoriques, quitteront l’école au bout d’un an. En attendant, ils se perfectionnent en offrant des coupes aux habitants du quartier.

“Cela fait un moment que je viens ici, ça me plaît beaucoup car c’est à proximité et c’est gratuit. Ils s’occupent très bien de nous”, sourit le “client” retraité Alfonso Ruiz Cepero.

– Pavés, restaurants et ‘movida’ –

A Cuba, où l’Etat contrôle près de 90% de l’activité économique depuis plus d’un demi-siècle, le concept de responsabilité sociale des entreprises est quasiment inconnu.

Mais avec l’appui de l’Office de l’historien de la ville, organe étatique qui administre la rénovation et la conservation du centre historique, Papito est parvenu à contribuer au développement de son petit quartier.

Après avoir ouvert son école et un Musée de la coiffure attenant, il a fait construire un petit parc où les enfants du quartier montent sur des balançoires en forme de rasoirs et glissent sur des toboggans-ciseaux.

“Papito” et d’autres “cuentapropistas” du quartier paient les salaires des employés de ce parc, situé à l’extrême nord de la Vieille Havane, près de l’ancien palais présidentiel devenu Musée de la Révolution à l’arrivée des castristes au pouvoir.

M. Valladares a également contribué, avec l’Office de l’historien, au nettoyage de nombreuses ruelles et à la restauration de maisons anciennes de ce petit quartier où il est né, Los Santos Angeles.

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écorent le salon de coiffure de Gilberto Valladares, le 15 juin 2015 (Photo : ADALBERTO ROQUE)

La rue Aguiar, qui abrite son salon, l’école et le musée, a été convertie en voie piétonnière pavée. Avec son charme retrouvé, la ruelle est aujourd’hui très fréquentée par des touristes notamment attirés par ses nombreux bars et restaurants.

En forme d’hommage à “Papito”, un des restaurants a adopté le salon de coiffure comme thème de décoration, tout en précisant bien dans un trait d’humour qu’il servait “des plats sans cheveux”.

“On parle désormais de +la rue des coiffeurs+”, s’enorgueillit M. Valladares au sujet de cette ruelle revenue au c?ur de la vie culturelle de la cité. La mission diplomatique américaine y a même récemment organisé un spectacle de musique et de danse avec une troupe venue des Etats-Unis.

“Nous avons un projet pour le quartier, dans un moment historique pour Cuba (avec le rapprochement avec les Etats-Unis), avec les jeunes, avec les enfants, avec les anciens”, relève “Papito”.

Pour lui pas de doute, “cela vaut la peine”.