ôt (Photo : Denis Charlet) |
[17/06/2015 09:00:26] Paris (AFP) Loin de supprimer la déclaration d’impôt, le prélèvement à la source pourrait bien la rendre incontournable, et pas forcément plus simple à remplir, à voir ce qu’il se passe dans d’autres pays.
“Attention aux simplifications qui laissent penser que parce qu’il y a un prélèvement à la source, il n’y a plus de déclaration”, mettait en garde récemment le ministre des Finances Michel Sapin.
M. Sapin doit mercredi détailler en conseil des ministres la mise en place de ce dispositif en France d’ici 2018.
Comme aujourd’hui, les Français devront signaler au fisc les situations qui donnent droit à une réduction d’impôt.
Perception de revenus du capital, emploi d’une femme de ménage, frais de garde d’enfants… La liste est particulièrement longue, dans un pays champion des “niches” fiscales: la France en a plus de 400, en comptant ménages et entreprises.
La vie du contribuable français, qui a déjà accès à des déclarations internet pré-remplies, et au paiement mensualisé, ne sera donc pas forcément plus simple.
Ce qui changera par contre radicalement, outre le fait que l’impôt sur le revenu pourra s’adapter en temps réel à tout changement de situation du contribuable, c’est le sens de la déclaration: là où les Français en font une aujourd’hui pour payer le fisc, ils en feront une à l’avenir dans l’espoir de récupérer de l’argent.
Tout comme les Américains, les Allemands, les Suédois, bref, l’écrasante majorité des pays développés, qui prélèvent l’impôt à la source, et où ce système fait en quelque sorte office d’épargne “forcée”.
Aux Etats-Unis, 112,9 millions de contribuables ont été remboursés par le fisc en 2012, sur un total de 140,9 millions de déclarations, selon les derniers chiffres disponibles.
En Norvège, 2,7 millions de contribuables vont se partager cette année 3,45 milliards d’euros de remboursements. Dans l’autre sens, 800.000 vont au contraire devoir payer 1,7 milliard d’euros de plus.
En Allemagne, il n’est pas rare de récupérer 1.000 à 2.000 euros, voire beaucoup plus, grâce à la déclaration.
Pour toucher le pactole, mieux vaut ne pas souffrir de “phobie administrative”, selon le terme popularisé par l’ancien secrétaire d’État Thomas Thévenoud (ex-PS), qui avait dû quitter le gouvernement en septembre 2014 après des révélations sur le non-paiement de ses impôts.
Selon le pays, le contribuable peut faire valoir un nombre plus ou moins élevé de déductions ou abattements.
Parmi les plus classiques: les frais de garde d’enfants, les intérêts versés pour un crédit immobilier, les dépenses universitaires.
D’autres déductions sont plus inattendues. Ainsi aux Etats-Unis on pourra réduire son impôt en cumulant les kilomètres parcourus pour rejoindre son association sportive, ou son activité de bénévolat, mais aussi en donnant de vieux vêtements.
En Allemagne, pour faire face à une législation fiscale parmi les plus complexes au monde, et quand l’utilisation d’un logiciel ne suffit plus, il est courant de recourir à un conseiller fiscal ou “Steuerberater”, sans que ces prestations soient l’apanage des foyers très fortunés.
Certains demandent une somme forfaitaire, d’autres un pourcentage sur les sommes récupérées, par exemple 10%. L’accès à cette profession passe par un examen considéré comme l’un des plus difficiles d’Allemagne, auquel échoue un candidat sur deux.
La majorité des Américains ont eux aussi recours à une aide professionnelle: sur les 144,9 millions de déclarations en 2012, 80,9 millions ont eu besoin d’une assistance. Ce qui fait vivre de multiples cabinets comptables, promettant de juteux “refunds” à grand renfort de publicités lors de la saison des impôts.
La perspective de remboursements plus ou moins élevés ne suffit toutefois pas toujours à motiver les contribuables.
Beaucoup d’Allemands renoncent par exemple à faire une déclaration. Si le ministère des Finances allemand se garde bien de donner le moindre chiffre, certains conseillers en patrimoine assurent que les sommes non réclamées représentent chaque années plusieurs milliards d’euros.
En Norvège quelque 700.000 contribuables, dans un pays de moins de 5,2 millions d’habitants, n’ont pas pris la peine d’ouvrir la déclaration préremplie qui leur a été envoyée en mars. Ce qui équivaut à une acceptation tacite.
Dans les pays scandinaves, le prélèvement de l’impôt à la source s’accompagne aussi d’une très grande transparence. En Suède, il existe par exemple un bottin contenant les informations fiscales de plus de 5 millions de contribuables, décliné en un site internet qui a reçu l’an dernier 12 millions de visites.
Inimaginable en France, où la question de la confidentialité des données des salariés suscite déjà de très vives inquiétudes dans la perspective d’un passage à la retenue à la source.