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[18/06/2015 14:42:41] Paris (AFP) L’affaire “Pétrole contre nourriture” a une nouvelle fois débouché jeudi sur une relaxe générale des sociétés – dont Renault Trucks, Legrand et Schneider Electric – poursuivies pour avoir accepté des surfacturations en échange de contrats du régime irakien de Saddam Hussein soumis à embargo.
Le tribunal correctionnel de Paris s’est notamment appuyé sur sa propre jurisprudence du premier procès, qui s’était déjà conclu en juillet 2013 par une relaxe générale des prévenus, dont le groupe pétrolier Total ou l’ancien ministre Charles Pasqua.
Pas de têtes d’affiche dans ce “pétrole contre nourriture II”, mais 14 sociétés plus ou moins grosses qui avaient accepté ce système imposé par le régime irakien aux abois aux firmes étrangères désireuses de commercer avec le pays. Trois anciens dirigeants de certaines d’entre elles étaient également poursuivis – pour abus de biens sociaux – et ont également été relaxés.
L’Irak était alors soumis à un embargo strict à la suite de l’invasion du Koweït en 1991, mais l’ONU avait mis en place le programme “Pétrole contre nourriture”, qui de 1996 à 2003, avait pour objectif d’encadrer des ventes d’hydrocarbures censées financer des importations devant répondre aux besoins humanitaires de la population.
Le régime de Saddam Hussein en avait profité pour mettre en place un système occulte de surfacturation à son profit: les sociétés étrangères souhaitant bénéficier du programme devaient surévaluer leurs factures de 10%, sommes qualifiées de “frais de transport” ou “service après-vente”, et en réalité reversées par des circuits parallèles dans les caisses du pouvoir.
Or, les magistrats ont relevé que ce système avait bien été “mis en place par les plus hautes autorités irakiennes”, voire Saddam Hussein lui-même, et que l’argent a atterri dans les caisses de la banque centrale irakienne. Il n’est en outre “pas établi” d’intervention “d’agents étrangers” ayant bénéficié d’un enrichissement personnel.
Or ce critère fait partie de la définition du délit de corruption pour lequel étaient renvoyées les sociétés, le délit de violation d’embargo n’existant pas en droit français.
– ‘Totalement absurde’ –
Les compagnies n’avaient d’ailleurs jamais nié avoir participé à ce système, certaines assurant même l’avoir fait avec l’aval des autorités françaises de l’époque, qu’elles avaient prévenues.
A telle enseigne d’ailleurs que quatre d’entre elles, parmi les plus grosses, avaient pour préserver leur accès au marché américain conclu des accords avec le département (ministère) de la justice américain et accepté des sanctions des autorités boursières américaines, avec des millions de dollars d’amendes à la clé.
Le tribunal a d’ailleurs tout bonnement constaté “l’extinction” des poursuites pour ces quatre sociétés, appliquant la jurisprudence “non bis in idem” (pas deux fois pour la même chose), consacrée en mars par le Conseil constitutionnel dans une affaire de délit d’initiés d’EADS.
“On ne pouvait raisonnablement déboucher sur une autre décision, les sommes ont été payées en toute transparence”, a estimé Me Rémy Douarre, défenseur d’une des sociétés relaxées.
Le parquet, qui avait fait appel du premier jugement “pétrole contre nourriture”, avait requis à l’audience des condamnations, mais sans peines précises, et annoncé à l’avance son intention de faire appel d’une éventuelle nouvelle relaxe, au nom de la “cohérence”.
En effet, ce “Pétrole nourriture II” a été de façon “totalement absurde”, de l’aveu même du parquet pourtant maître du calendrier des audiences, organisé avant le procès en appel du premier volet de l’affaire, prévu en octobre, et ce alors même que l’accusation n’avait aucun argument nouveau à faire valoir par rapport au premier procès.