appuyer sur des algorithmes (Photo : Eric Thayer) |
[21/06/2015 08:48:49] Washington (AFP) Apple se lance dans la chasse aux nouvelles grâce à une application de son système d’exploitation iOS9 qui pourrait faire de lui un concurrent direct de Google, Facebook et autre Flipboard.
Le géant de Cupertino (Californie) a choisi d’embaucher des journalistes expérimentés pour gérer son application consacrée aux informations, contrairement à ses concurrents qui s’appuient sur des algorithmes.
“Apple veut que ses nouvelles soient créées par des êtres humains et non par des algorithmes, en accord avec la réputation de la marque qu’il défend”, estime Judd Slivka, professeur de journalisme à l’université du Missouri, spécialisé dans les contenus pour appareils mobiles.
Apple n’a pas détaillé son projet, se bornant à indiquer sur sa page d’embauches qu’elle recherchait “des journalistes passionnés et compétents pour permettre d’identifier et de publier ce qu’il y a de meilleur en matière d’informations nationales, internationales et locales”.
L’avis précise que ces journalistes “doivent avoir l’instinct pour les informations de première importance mais aussi être capables d’identifier des histoires originales qui ne seraient pas repérées par des algorithmes”.
Cela place Apple sur un tout autre terrain que celui de Facebook qui veut mettre au point des formules informatiques lui permettant de délivrer les informations à ses utilisateurs en fonction de leurs habitudes de fréquentation de l’internet, leur démographie et leurs intérêts.
– Information de robots –
Même si Apple va vraisemblablement avoir recours à des algorithmes pour proposer les informations à ses utilisateurs, le fait d’ embaucher des journalistes expérimentés est une démarche positive, estime Dan Kennedy, professeur de journalisme à l’université de Northeastern.
“Beaucoup de gens ne veulent pas être informés par des robots qui décident ce qui les intéresse”, affirme-t-il. “Surtout si vous n’avez pas votre mot à dire dans le processus de sélection de ce robot. L’algorithme utilisé par Facebook est tout à fait mystérieux et les gens commencent à ne pas aimer cela”, souligne-t-il.
“C’est encourageant de voir que cela rapproche le journalisme du centre de l’univers d’Apple”, ajoute encore ce professeur. “Mais je ne suis pas emballé par l’idée de faire reposer le pouvoir d’informer sur des grosses compagnies comme Apple et Facebook qui ont leurs propres intérêts”.
Apple affirme que sa nouvelle application “va suivre des millions de sujets et en extraire les plus intéressants en fonction de vos intérêts spécifiques”. Les partenaires de la marque à la pomme dans ce projet comprennent les magazines Conde Nast, la chaine sportive ESPN, les journaux du groupe New York Times, ceux des groupes Hearst et Time, CNN et l’agence d’informations économiques Bloomberg. Mais Apple envisage aussi de l’ouvrir à d’autres éditeurs et blogueurs.
– Planche de salut ? –
Joshua Benton, du Nieman Journalism Lab, souligne que grâce à la popularité des produits Apple “cette application sera sur des centaines de millions d’appareils dès son lancement”. Cela pourrait aussi représenter une planche de salut pour les organes de presse dans leur lutte pour recevoir des revenus publicitaires, car Apple les autorisera à conserver 100% des revenus des publicités qu’ils placeront eux-mêmes et 70% de celles qui seront placées par Apple.
Rob Enderle, analyste à Enderle Group, rappelle qu’Apple utilise une formule à laquelle il a déjà eu recours auparavant, s’assurant un contrôle étroit du contenu et en écartant ses concurrents potentiels. Selon lui, le groupe préfère avoir le contrôle sur le contenu de ses iPhone et iPad sans que leurs utilisateurs aient à se tourner vers des parties tierces comme Google ou Facebook.
Il ajoute qu’Apple a décidé d’agir lorsque Google a manifesté de l’intérêt pour un achat de Flipboard car “ils ne voulaient pas que Google prenne le contrôle d’une application d’information utilisée par un si grand nombre de clients Apple”.
Mais Apple va aussi devoir gérer des informations qui ne lui sont pas favorables ou qui font large place aux produits de ses concurrents, souligne les analystes. Selon Dan Kennedy, ils réaliseront “que cela serait une catastrophe en matière d’image de marque s’ils essaient de manipuler l’information en leur faveur”.
“Si c’est une application qui est présente dans l’appareil dès son achat, poursuit-il, et que les gens ne l’aiment pas, cela portera du tort aux ventes”.