Ils sont légions. Tout le monde veut tout et tout de suite et surtout beaucoup pour lui et les siens. Les journalistes n’arrivent plus à suivre les événements.
Les grèves d’abord. Il y a eu les professeurs, puis maintenant ce sont les instituteurs et avec eux les pions. Avant et en même temps, il y a les chauffeurs des bus de la SNTRI, les agents des l’hôpital Charles Nicolle, les employés du ministère des Affaires étrangères, les employés des municipalités, etc.
Les protestations ensuite. Il y a eu dernièrement El Faouar, Fatnassa (Kébili), comme il y en a eu avant Dhehiba (Tataouine) ou Siliana il y a deux ans, et Sidi Ali Ben Aoun, etc.
Personne ne peut nier la situation désastreuse de certains métiers, leurs conditions de travail déplorables et leurs salaires de misère et les années d’oubli qu’ils ont subi.
Personne par ailleurs ne peut empêcher les employés de l’Etat à vouloir se saisir de ce que la révolution leur a apporté de liberté afin de faire entendre leurs voix.
Menace sur l’existence même de la Tunisie
Personne ne peut disputer à des régions marginalisées depuis 60 ans le droit de réclamer plus de justice dans la distribution de la richesse nationale…
Cependant, il y a un hic! Si tout le monde commence à tirailler les maigres ressources de l’Etat vers lui et lui seul, le «contrat social» qui nous unit ensemble perdra toute valeur, et ce sera la pagaille… Les comportements corporatistes qui s’enflent dans le pays devant la faiblesse de l’Etat et l’absence des institutions sont un danger qui menace l’existence même du pays, on ne parle pas de son expérience politique naissante.
ARP vs juges… le dialogue de sourds
Les partis politiques, en premier lieu ceux qui sont coalisés au sein de la majorité qui gouverne, ont une lourde responsabilité dans cette affaire. Le conflit très médiatisé entre l’ARP et les juges est un exemple parfait de la mauvaise logique qui guide les uns et les autres.
Les juges ne peuvent pas s’arroger le droit de décider de ce qu’il convient à toute la nation vu par la seule lorgnette de leurs intérêts corporatistes, mais la majorité parlementaire a également le devoir de ne laisser personne sur le bord de la route quand elle légifère. Or, l’absence de dialogue est manifeste et la sourde oreille que l’ARP manifeste à propos des revendications des juges ne règle absolument rien…
Les revendications des régions intérieures ne s’arrêteront pas, et après El Faouar il y aura d’autres Faouar. De Bizerte au nord et jusqu’à Tataouine au sud, plus de 14 gouvernorats sur les 24 que compte le pays sont pauvres et marginalisés ou se considèrent comme tel. Des centaines de villes à travers le pays souffrent du chômage endémique, de la mentalité d’assistance bien ancrée chez nous tous et attendent tout de l’Etat.
La communication fait défaut…
Avec toute la bonne volonté du monde, personne ne peut aujourd’hui prétendre qu’il a les solutions miracles de ces problèmes. Mais personne non plus n’est venu parler aux gens et leur dire les quatre vérités qui méritent d’être dites avec sincérité et humilité. La communication politique n’est pas seulement une science qui s’enseigne. C’est également le don de grands politiciens. Bourguiba, De Gaulle, Nasser l’avaient et ils en usaient. Inlassablement, ces leaders, confrontés à des problèmes majeurs pour leur nation, parlaient au peuple toutes les semaines et bien plus encore.
Alors, y a-t-il un pilote dans l’avion tunisien? Si oui on se demande bien ce qu’il fait. Dans tous les cas de figure, c’est un “avion“ qui n’est pas doté de pilote automatique…
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*Inutile de vous le préciser, ce titre de notre article est inspiré d’un film américain de 1H 25’ sorti le 24 septembre 1980, coréalisé par David Zucker, Jim Abrahams et Jerry Zucker.