érence de presse le 19 février 2015 à Paris (Photo : Bertrand Guay) |
[22/06/2015 04:37:01] Paris (AFP) François Pérol, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée sous Nicolas Sarkozy devenu patron du groupe bancaire BPCE, est jugé à partir de lundi pour “prise illégal d’intérêts”, accusé d’avoir enfreint les règles encadrant le passage de fonctionnaires au secteur privé.
Il est reproché à l’ancien conseiller économique de Nicolas Sarkozy d’avoir accepté en février 2009 de prendre la tête du groupe issu du mariage entre la Banque populaire et la Caisse d’épargne (BPCE), alors qu’il avait suivi cette fusion à l’Elysée.
Le code pénal interdit, pour éviter tout conflit d’intérêts, à un fonctionnaire ou à un agent public, dans un délai de trois ans, de travailler pour une entreprise qu’il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat, sur laquelle il a donné des avis ou proposé des opérations à l’autorité compétente.
La peine maximale encourue est de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. Mais l’enjeu pourrait être, en cas de condamnation, celui du maintien de François Pérol à la tête de la deuxième banque de détail de France, où il a été reconduit jusqu’en 2016.
L’intéressé a toujours affirmé “ne pas être sorti du cadre de (ses) fonctions”. Il assure n’avoir joué qu’un rôle d'”information” sur le projet de fusion auprès du président Sarkozy. Il jure “n’avoir joué aucun rôle” dans les décisions prises par les dirigeants, ne pas avoir été “candidat” à la direction du groupe mais l’avoir acceptée “comme une mission”.
Mais pour l’accusation, François Pérol a bien été, dans le cadre de ses fonctions, la cheville ouvrière de la fusion pilotée par l’Elysée.
“Il a, de manière effective (…), proposé aux différentes autorités compétentes des décisions relatives aux opérations réalisées par les deux banques, émis des avis sur le montant de l’aide financière accordé par l’État au futur groupe, sur sa structure juridique (…), son futur dirigeant et les délais d’exécution du rapprochement”, détaille-t-elle.
Le projet de rapprochement des deux banques avait été initié en 2006 avec la création d’une filiale commune, Natixis. Mais il peinait à voir le jour jusqu’à ce que les pouvoirs publics s’en saisissent dans un contexte de crise financière mondiale, les comptes des entreprises étant alors plombés par de lourdes pertes.
– ‘Procès d’un système’ –
“La fusion des deux banques était traitée par Pérol, seul compétent en matière d’affaires économiques et financières”, a assuré François Sureau, avocat de la Caisse nationale des caisses d’épargne.
“Je n’ai pas souvenir que les idées ou décisions venaient de l’Elysée”, a affirmé a contrario Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, estimant que ce sont les analyses de son institution et du Trésor qui ont été déterminantes.
L’ex-président du directoire de la Caisse d’épargne Bernard Comolet a raconté comment Nicolas Sarkozy lui avait signifié sans équivoque le choix de Pérol pour diriger le nouveau groupe lors d’une réunion à l’Elysée le 21 février 2009 en présence de l’intéressé, de son supérieur Claude Guéant, et de Philippe Dupont, l’ex-patron des Banques populaires.
“Le président nous indiquait (….), en rappelant que l’État prêtait cinq milliards (aux deux banques), qu’il entendait que François Pérol (…) soit proposé comme futur directeur général du nouvel ensemble”. Une annonce “sans appel”, “présentée comme une décision”, a-t-il expliqué. Quelques jours plus tard, cette candidature était validée par les deux banques.
L’affaire avait provoqué la fureur de la commission de déontologie dont deux membres avaient démissionné.
“Ce procès est celui d’un système, celui de l’époque Sarkozy où l’on n’hésitait pas, au mépris de la loi, à placer des hommes importants pour le pouvoir à des postes stratégiques”, accuse Jérôme Karsenti, avocat de l’association Anticor, la première à avoir porté plainte en 2009, et de la CGT, partie civile au procès.
L’avocat a cité à comparaître Claude Guéant et Nicolas Sarkozy comme témoins. Le premier devrait venir mais pas le second qui a écrit pour le faire savoir, a-t-il précisé à l’AFP.