ésident de la commission européenne Jean-Claude Juncker le 22 mai 2015 à Bruxelles (Photo : EMMANUEL DUNAND) |
[22/06/2015 10:34:22] Bruxelles (AFP) Une ruée bancaire, des défauts de paiement en cascade, et un “Grexit” propre à faire trembler l’euro sur ses fondations: telles sont les étapes du scénario catastrophe que redoutent la Grèce et ses créanciers. Exercice d’euro-fiction.
LES BANQUES, MAILLON (TRES) FAIBLE
Elles sont l’objet de toutes les inquiétudes, toutes les rumeurs: combien d’argent reste-t-il dans les caisses des banques grecques? Combien d’euros sont-ils retirés chaque jour ou chaque heure par des épargnants ou des investisseurs?
Tant que les banques sont à flot, la Grèce peut tenir la tête hors de l’eau: les salaires sont versés, les factures payées, les épargnants protégés. Mais cette survie doit tout à une ligne de financement d’urgence de la BCE, révisée de jour en jour. L’institution de Francfort, même si elle renâcle à endosser la responsabilité politique d’un séisme bancaire, ne pourra la maintenir indéfiniment.
A moyen terme, il faudra recapitaliser les banques avec de l’argent frais, pour faire face à l’amoncellement des créances “pourries” que les citoyens et les entreprises grecs, en grande difficultés, ne pourront jamais rembourser. Et pour beaucoup d’économistes, accord ou pas avec les créanciers, Athènes ne coupera pas à des “contrôles de capitaux” pour éviter l’hémorragie.
LE DEFAUT
En l’absence de droit des faillites pour les Etats souverains et de règles claires au sein de la zone euro, tout défaut de paiement de la Grèce serait nécessairement un processus très confus.
ésidente du FMI Christine Lagarde le 22 juin 2015 à Bruxelles (Photo : POOL) |
Les dates, elles, sont là: le 30 juin, Athènes doit quelque 1,5 milliard d’euros au Fonds monétaire international. Si le virement n’est pas fait, la patronne du Fonds Christine Lagarde annoncera sans tarder le défaut de paiement. Officiellement, la Grèce sera alors un pays dans l’incapacité d’honorer ses échéances. Peu après, le 20 juillet, ce sera au tour de la BCE de faire le même constat.
Tout indique que le pays n’a pas ces sommes. C’est pourquoi il a besoin de l’aide internationale suspendue depuis l’été dernier, un peu plus de 7 milliards d’euros. Mais il faut d’abord que la Grèce et ses créanciers se mettent d’accord sur une trajectoire de rigueur budgétaire et un programme de réformes.
LA GRECE N’A PAS REMBOURSE. ET ALORS?
Aucun tribunal ne prononcera sa faillite. Les agences de notation, Standard and Poor’s et autres Fitch, ont prévenu que leurs mécanismes ne s’appliqueraient pas, puisque la Grèce ferait défaut face à des créanciers publics, dépositaires de la plus grande part de sa dette.
Mais les banques, elles, sentiront immédiatement l’effet. Non seulement leurs caisses sont bien entamées, mais de plus les seules richesses qu’il leur reste, ou presque, sont des bons du Trésor grecs, dont la valeur sera anéantie. Conséquence: la BCE, qui jusque-là acceptait bon an mal an ces créances comme garanties pour refinancer les banques grecques, coupera l’alimentation.
LA SORTIE PRESQUE INEVITABLE DE L’EURO
Voilà donc les banques grecques à sec. Impossible de les renflouer via la BCE, aucune chance que des investisseurs privés se risquent à avancer des fonds. Pour tenter de les sauver, le gouvernement pourrait alors entrer dans une “zone grise”, selon Holger Schmieding, économiste de Berenberg Bank, en les recapitalisant avec une monnaie “parallèle”, les “IOU” (I Owe You), littéralement des reconnaissances de dette.
érieure en date du 3 juillet 2014 du siège de la BCE à Francfort (Photo : Daniel Roland) |
Ces titres provisoires, s’ils sont émis au départ à parité avec l’euro, perdront de leur valeur: s’en suivront une inflation galopante, une fonte de l’épargne, une détérioration du niveau de vie. Une fois mise en place, cette “monnaie grise” se répandra au secteur privé. De facto, la Grèce sera alors coupée de la monnaie commune.
ET APRES LE “GREXIT”?
Le grand risque financier est celui d’une “contagion” par les marchés. Les investisseurs, après une sortie de la Grèce, commenceront à se méfier des autres pays dits “périphériques”, comme l’Espagne et le Portugal, peut-être jusqu’à les mettre dans l’incapacité de se financer de manière autonome.
Pour la plupart des experts, ces risques, s’ils existent toujours, ont baissé: la zone euro a mis en place une “union bancaire” pour les contenir. Et depuis le début de la crise grecque en 2010 le secteur privé, notamment bancaire, a largement soldé ses pertes et réduit son exposition.
Le principal risque sera politique: la zone euro apparaîtra comme une union monétaire à la géométrie variable et à la gouvernance hasardeuse, au lieu d’une communauté d’Etats soudée. Voilà qui donnera des arguments aux eurosceptiques de tous bords, aussi bien à ceux qui rêvent d’une union monétaire où les Etats vulnérables n’auraient pas leur place, qu’à ceux qui tempêtent contre les “diktats” venus de Berlin et Bruxelles.
Cette crainte historique a été exprimée en termes forts par l’ancien chancelier allemand Helmut Schmidt, l’un des artisans de la construction européenne, dans une récente interview: “Si les gouvernements européens n’arrivent pas à garder la Grèce dans l’euro, alors, que le diable les emporte!”